lundi 28 juin 2010

Solidaire des grévistes de Carlson Wagonlit

Vendredi dernier, les salariés de CARLSON WAGONLIT TRAVEL ont fait grève. Dans le secteur des agences de voyages où les syndicats sont très peu présents, et où on sait bien qu’il ne faut pas s’attendre à gagner sa vie correctement en occupant un poste au contact avec la clientèle, c’est un fait assez rare pour qu’il soit noté.

Je suis trop jeune pour avoir connu le temps où les compagnies aériennes accordaient de grasses commissions aux agences (Big-boss et Isa, qui sont des vieillards cacochymes quarantenaires, m’ont raconté…) et j’avoue être restée les yeux écarquillés (pire que sur mon avatar en fait) le jour où ils m’ont expliqué qu’Amadeus n’avait pas toujours existé et qu’ils passaient, jusqu’à fin des années 80, des heures au téléphone pour passer des résas à des compagnies aux noms improbables comme TWA, Panam, AOM, Euralair ou Air Littoral. J’avoue, y’a des trucs formidables sur le web : je viens de trouver une liste sur Wikiepedia (mot clé : « defunct airlines », c’est fou comme les gens n’ont rien d’autre à foutre dans leur vie que de rédiger de telles listes…) et viens de m’apercevoir qu’en 2005/2006, il y avait une compagnie (française) qui s’appelait Air Turquoise, dont je n’ai absolument aucun souvenir… et là, je me sens dépassée par le transport aérien. En tous cas, il paraît qu’à telle époque, ils vendaient sans arrêt des billets à 15 000 francs sur les USA, et qu’ils gagnaient 9% de 15 000 francs, soit 1350 francs ou encore 200 € et des poussières pour imprimer un billet d’avion écrire à la main un billet d’avion avec une mine bien pointue et après, ils avaient les doigts tout rouges à force de dessoucher…

Big-boss et Isa ont connu les dinosaures. Et la carte kiwi de la SNCF. On en reparlera une autre fois.

En tout cas, à l’époque bénie où Big-boss avait des cheveux et Isa était encore fraiche (moi, j’avais des petites robes roses à smocks et des barrettes pour discipliner mes bouclettes), vendre des billets d’avion aux entreprises rapportait de l’argent. Maintenant, ça rapporte à peine 10% des revenus de l’agence alors que sur 5 vendeurs, y’en a un (Max) qui ne fait que ça, que Sonia passe son temps à dépanner Max sur les sociétés, et qu’Isa se prend la tête à pointer des états de caisse SNCF. (A l’occasion, essayer de comprendre pourquoi c’est si long parce que je la soupçonne grave de lire les magasines people en lousdé au lieu de travailler, celle là).

Big-boss veut garder les sociétés parce qu’en fin d’année, notre tête de réseau nous reverse plein de thunes en rétro-commissions parce qu’on a vendu les compagnies référencées. Genre : on ne gagne rien toute l’année, et le jour où ça tombe, Big-boss est content… Mouais… moi, j’suis pas convaincue… mais j’adore Max, il refuse de vendre du tourisme et veut garder ses sociétés. Alors, je ne vais pas la ramener genre « les sociétés, ça nous rapporte rien, pourquoi on s’emmerde avec les mémères secrétaires alors qu’on pourrait avoir une fille de plus au tourisme qui rapporterait beaucoup plus » (là, Isa me regarderait par en dessous, me répondrait que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, et elle me soupçonnerait même de savoir compter…) la pauvre…

Chez nous, « la suppression des commissions de la part des compagnies et le développement des comparateurs tarifaires sur le web ont fait vachement de mal à notre chiffre billetterie ». Là, je viens de citer Big-boss, qui s’est servi de ce prétexte pour nous baisser notre salaire il y a 5 ans et en nous promettant qu’on gagnerait au moins autant grâce à un système de commission sur nos ventes. Du coup, on a tous les mois des papiers bizarres avec des tableaux alambiqués sur des commissions sur nos ventes, qu’on n’arrive pas à calculer toutes seules et qu’Isa nous imprime en caractère 1. Bon… en tout cas, on a toutes gagné davantage que ce qu’on avait avant quand on n’avait qu’un fixe, mais faut dire qu’on est des bêtes pour vendre du tourisme, alors l’agence s’en sort bien (ouai, bon… Big-boss dit tout le temps que l’agence ne rapporte plus rien, mais je ne le crois pas…)

J’imagine que ça craint quand même gravement pour les boites qui font de la billetterie sociétés toute la journée. On a du mal à facturer 50 € pour l’émission d’un billet alors j’imagine la baisse par rapport aux 9% de 15 000 francs = 200 €. Alors après, c’est la spirale infernale de la dégradation de service : les agences gagnent moins alors elles virent des gens, on « mutualise les centres d’appels » (traduction : on les ferme tous les uns après les autres pour faire des espèces de grosses usines basées à Belfort où là, les filles rampent pour gagner le SMIC) et ces grosses boites de business travel suppriment des postes à tour de bras… C’est Carlson qui a fait grève vendredi, ça aurait pu être n’importe quelle grosse usine à billetterie. Dans les réactions des salariés de Carlson à l’article qui annonçait la grève que j’ai lu dans une newsletters auxquelles je suis abonnée, on lisait le témoignage de quelqu’un qui disait toucher un salaire net à 3 chiffres après plusieurs années d’ancienneté dans la boite et un autre se plaindre de « trop de stress, marre des outils qui ne fonctionnent pas, assez de mensonges, de désinformation et de pressions ». Et surtout, « plus de salaire, plus de reconnaissance, plus d'humanisme ! » ; un(e) troisième parlait de « l'intéressement qui nous file sous le nez, des outils de flicage, de la pression constante, de non-dits permanents ». Les boules… moi, je ne resterais pas 3 jours dans une boite comme ça. Nous à l’agence, on rigole tout le temps, le téléphone ne sonne pas (il clignote discrètement), on n’est pas super stressées (un peu quand même : faut pas croire que c’est Disneyland non plus) et on est plutôt bien payées (le jour où Big-boss tombe sur mon blog, je lui jure que c’est pas moi qui écris ce blog, d’ailleurs c’est qui cette fille qui s’appelle comme moi et qui pourrait être moi ? non, vraiment, c’est une fortuite coïncidence, j’vous jure… )
Bon… j’avais décidé de faire un blog rigolo et j’ai bien conscience que ce post ne l’est absolument pas… Je voulais juste écrire ce post pour dire à mes sœurs de Carlson que c’est un job à la con surement pas l’extase d’avoir un casque sur les oreilles et de ne parler qu’à un ordinateur toute la journée… que c’est une honte de payer les gens moins de 1000 € par mois et que moi aussi, j’ai connu ça. Que j’ai eu de la chance de ne bosser que quelques mois au call center d’une usine à promo de vacances dégriffées sur le web. J’ai eu de la chance de m’en sortir.
Même dans le business travel, je sais qu’il y a des boites sympa, à taille humaine, qui payent correctement leurs staffs et qui les respectent. N’attendez rien des augmentations générales de 2% pour tout le monde. 2% d’un salaire à 1500 €, c’est 30 € et c’est une aumône. Je suis sûre que vous valez toutes bien mieux. Alors, battez-vous. Portez-vous volontaires pour faire du tourisme, c’est bien plus intéressant et déjà, vous avez la technicité sur les GDS qui manque à tous les débutants… Des petites agences qui marchent bien, il y en a plein… au moins à Paris. Oui, je sais, à Belfort, vous n’avez pas d’autre choix que de faire le dos rond parce qu’il n’y a rien d’autre. Mais bon, vous le faites exprès : n’essayez pas de me faire croire que vous habitez Belfort par hasard. L’avantage de faire du tourisme, c’est qu’au lieu de parler à des secrétaires revêches de sociétés, on appelle les services réservations des TO. Et que parfois, votre journée est ensoleillé parce qu’un dénommé José vous a murmuré un truc gentil au creux de votre oreille confirmé un booking en deux minutes. Et ça, ça vaut tous les bonheurs du monde.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire