jeudi 28 octobre 2010

Spécialiste du Maroc, de l'Australie, de la Polynésie et des clients psychopathes...

Je ne sais pas si vous avez remarqué… mais les Offices de Tourisme des pays étrangers rivalisent d’imagination depuis quelques années pour former les agents de voyages aux spécificités de leurs pays… Je crois que c’est le Canada qui a lancé la mode : les agents sont désormais labellisés, certifiés, spécialistes… chacun y va de sa propre sémantique et rien que moi, je suis à la fois « experte du Maroc », « Aussie specialist » et « Tiare Tahiti ».

On est plus de 2000 experts du Maroc, donc ça ne veut pas dire grand chose… Amandine, qui est certifiée spécialiste du Canada passe des heures à renouveler son certificat chaque année… et moi, j’ai abandonné en route le programme Hong-Kong quand j’ai compris que derrière les pages que je venais de remplir, il y en avait plein d’autres cachées…

Ai-je vraiment besoin de remplir 40 pages de questionnaires sur un site web pour être capable de proposer 3 jours à Hong-Kong au retour d’Australie à mes clients : « une vraie immersion à la fois dans la Chine traditionnelle et la Chine moderne ; des contrastes à chaque quartier » (ça marche toujours le coup des contrastes...) et là, j’enchaine sur la symphonie des lumières, le marché de nuit à Kowloon, le Victoria Peak et hop ! Emballé ! Vous signez ça là… 25% d’acompte et le solde 30 jours avant le départ, merci…

Ces programmes de certification doivent occuper une bonne partie du temps des bouffons marketeurs des offices de tourisme étrangers… ça leur évite de nous pondre des slogans improbables genre « les Antilles cet été ? une sacrée bonne idée ».

Note pour les lecteurs pointilleux : Je sais que « les Antilles, c’est pas l’étranger » mais cette pub’ a vraiment existé et elle a décoré ma classe de BTS ; ça m’a traumatisée…

Ils ont aussi d’autres avantages : par exemple, on peut trainer sur meetic FaceBook pendant des heures (juste penser à laisser à laisser une fenêtre ouverte sur un programme de formation quelconque et de temps à temps, souffler que « pff… c’est long ! »)

Sérieusement, deux avantages :

1 – les cadeaux : on est pourries-gâtées par les OT qui nous envahissent de bouquins, de gadgets à la con genre stylos, porte téléphones portables (en plus d’être joli et de bon goût, c’est vraiment utile…), blocs de post-it (Isa’ pourrait ouvrir un magasin de post-it tellement on en a) et de t-shirts en taille XXXXL. Ahhh ! Les t-shirts XXXXL ! Parfait pour faire pyjama quand on manque de mâle protecteur l’hiver ! On peut aussi s’en servir comme chiffons pour faire le ménage ! On ne leur a pas dit aux fabricants de t-shirts que dans les agences, on doit avoir genre 26 ans de moyenne d’âge et qu’on est attentives à notre look (et qu’on fait du S) ? Ben on va quand même te prendre un L pour la grosse Isa’… parce qu’elle, on imagine bien qu’elle n’a pas vu le loup depuis 1000 ans de mâle pour la réchauffer…

2 – On est invitées à des voyages d‘étude. Qu’est-ce que vous croyez ? Un fois identifiées comme « spécialistes », on nous bichonne ! Bien sûr, vu le nombre de certifiés sur la Polynésie ou la Nouvelle Calédonie, ne rêvez pas les filles ! mais les pays tordus qui n’intéressent personne un peu hors des sentiers battus, ça peut marcher… L’air de rien, c’est grâce à mon statut d’Aussie Specialist que je suis allée deux fois en Australie… (à l’occasion, penser à ne jamais s’inscrire au programme de certification du Kazakhstan dés fois qu’ils aient envie de m’envoyer là bas). Note pour les lecteurs pointilleux : Il n’existe pas… j’ai vérifié… (ouf !)

De toute façon, plutôt que de me revendiquer « spécialiste destinations », je préfère me définir comme « spécialiste des clients à la con » : je souhaite donc être certifiée par le ministère des maladies mentales comme spécialiste des pathologies suivantes :

- Les voyageurs de noce qui devraient renoncer au mariage : s’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la destination de leur lune de miel, c’est mal barré pour passer la crise des 7 ans !

- Les gens qui veulent « un voyage très original axés sur les rencontres avec les indigènes » mais « en groupe en guidé en français » (Bien sûr, pour aller au Panama, la meilleure solution, c’est les départs garantis de FRAM à 50 pax dans le bus)

- Les clients qui connaissent mieux que tout le monde les systèmes de tarification et de yield management (ceux là, au bon d’un moment, je les regarde bêtement, je leur dis que je ne suis pas assez qualifiée pour leur demande « trop pointue » (quelquefois, être blonde, c’est bien pratique…) et je leur envoie Max’ qui parle très très vite et explique tout dans un jargon pas possible que même nous, on a du mal à suivre…).

Une fois, à cause de son calme olympien et de l’exhaustivité de ses connaissances en Amadeus, il a fait pleurer une cliente ! Ça marchait aussi avec les clients SNCF qui veulent aller de Séverac-le-Château à La Souterraine (mais sans changer à Périgueux). On a arrêté la vente SNCF aux clients de passage il y a 3 ans, et c’est pas dommage…

- Ceux qui veulent partir 15 jours (pas 14 ou16… 15 on t’a dit) et qui sont libres du 7 au 22 août. « Vos dates sont un peu flexibles ? » « Ben.. je veux partir le 7 et revenir le 22 pour être 15 jours sur place. » « Ah… si vous aviez pu vous occuper de ça avant le 4 août, ça aurait été un peu plus simple »

- Ceux qui veulent un vol de nuit entre Paris et NYC (à l’aller) pour arriver au petit matin à NYC et profiter de la journée. (Oui, bien sûr, et puis au retour, je vous réserve un NYC-CDG de jour pour que vous puissiez arriver à Paris le soir et vous coucher dans votre lit pour être en forme au bureau le lendemain matin… Alors voici une carte du monde et je vais vous expliquer le coup malin des fuseaux horaires…)

- Mes préférés : ceux qui ne comprennent mais alors vraiment pas pourquoi il n’y a pas de vol direct entre Perpignan et Copenhague. « Mais si Léa, je vous assure, regardez, moi par exemple… j’ai une maison à côté de Perpignan et mes beaux-parents habitent au Danemark ; rien que nous, on achèterait au moins 8 billets par an ! » (Doux Jésus, avec ce volume d’affaire géant, j’appelle tout de suite SAS pour leur souffler la bonne idée !). En général, c’est les mêmes qui râlent contre « le monopole d’Air France sur PGF-PAR » (Ben vas-y, crée toi-même Perpignan Airlines mon garçon…)

Et encore, je ne m’étends pas sur…

- Le vicieux qui veut savoir si on peut lui dire s’il y aura des femmes seules sur un GIR (achète des rando’ chez Terdav, y’aura de l’institutrice aigrie à moustache, c’est leur fond de clientèle)

- Les vieilles qui ont peur de l’avion et qui ont toutes les stat’ des crashs aériens (classés par date, par pays, par compagnie…) et qui insistent pour être assis au dernier rang (pour en réchapper). Presque aussi drôle que les sièges dans le sens de la marche (du train…). Ils ne me manquent vraiment pas ceux-là…

- Le client qui ne veut « plus jamais entendre parler de British Airways » (ceux là, en général, il est probable qu’ils disent « Brigitte Airways ») : parce qu’une fois, on lui a perdu son bagage. (variante : à Heathrow, c’est compliqué parce que c’est tout écrit en anglais). Celui-là, penser juste pour rire… à lui vendre du Iberia (qui ne perd jamais un bagage, c’est bien connu…), et avec une correspondance à Madrid un peu courte … parce que l’aéroport de Madrid est tellement fonctionnel… (ah, mais c’est pas écrit en français non plus… alors sache que « salida », ça veut dire « va t’en »)

- Ceux qui s’étonnent que le retour du 30 août soit plus cher que celui du 9 septembre. « mais pourquoi ? » (ah ça, c’est un mystère ! tous les ans, les compagnies aériennes ferment les classes de résa par cher le 30 août, je n’arrive pas à m’expliquer la raison). Quelqu’un pourrait souffler à First que ça ne serait pas mal d’écrire « le yield management pour les nuls » ?

- Ceux qui trouvent hal-lu-ci-nant que fin octobre, les vols sur les Maldives soient « déjà » full du 20 décembre au 3 janvier (il se trouve qu’exceptionnellement, cette année, Noël tombe le 25 décembre et le réveillon, le 1er janvier). « Mais pourquoi les compagnies aériennes n’ajoutent-elles pas des vols supplémentaires ? » (grande question : un coup de baguette magique et hop ! un A380 tout neuf, un équipage frais et dispo et un vol direct Perpignan-Copenhague…)

Alors, mes sœurs, rappelez-vous : même avec les clients psychopathes… Accueil. Disponibilité. Ecoute. Reformulation. Pédagogie. Un peu d’esbroufe. Conseil. Persuasion. Sourire. Et n’oubliez pas de proposer la location de voiture en catégorie C (à peine plus chère que la catégorie A), l’assurance-toutes-causes et demandez les projets de voyages pour les 36 prochaines années pour alimenter le CRM de Big Boss tout pourri qui marche pas

Et restez calmes !

dimanche 17 octobre 2010

IFTM – TOP RESA 2010 – Le meilleur et le pire – par Léon et Léa…

Et voilà ! Le plus grand rassemblement annuel des professionnels du tourisme a eu lieu la semaine dernière… après 30 ans de TOP RESA à Deauville, c’est la 3ème année que l’IFTM a lieu porte de Versailles.


Léon-le-patron et Léa-la-petite-agent-de-voyages-blonde y sont allés mardi et mercredi. Comme tout le monde ! Jeudi, y’avait grève et le dernier jour, y’a jamais personne (penser à supprimer le dernier jour ? c’est peut-être la solution pour lisser la fréquentation…). Compte-rendu écrit à 4 mains… par Léon et Léa qui ne se sont pas vus sur le salon, puisqu’ils ne se connaissent pas…


Ça fait deux semaines que Léon, Léa et tous les agents de voyages de France reçoivent des millions de mails de tous les Rodrigo, Russel et Linda du monde qui du fond de leur garage s’auto-proclament « meilleur réceptif » de leur destination. Ils ont l’honneur de nous inviter à venir leur tenir compagnie les voir sur le stand Z0097. Vous savez celui au fond à droite, à côté des toilettes… personne ne le voit jamais et heureusement car le palmier en carton qui a mal supporté le voyage et l’affiche qui vante les centrales nucléaires les attraits du Touriskistan n’excitent pas l’envie...


Certes, ils nous appâtent avec une dégustation gratuite de doubitchous pour attirer le chaland… mais entre l’aspect douteux des sus-dits doubitchous et la musique traditionnelle qui casse les oreilles sur les 20 stands les plus proches, on a envie de filer loin… et très très vite…


Ils sont complètement inconscients ont du mérite à l’office du tourisme du Touriskistan de tenter de convaincre les agents de voyages français de vendre leur pays improbable (le tout dans un français approximatif mais rafraichissant). On les admire parce qu’ils savent que finalement la plupart des visiteurs passeront l’essentiel de leur temps sur les stands Amadeus, Go Voyages ou Présence à boire du champagne avec des commerciaux rutilants en cravate rose. Donc, ils se battent, ils ont faim ! Et pourtant, l’avenir, c’est eux : les réceptifs… Léa et Léon l’ont compris…


Mardi, 10h30. Première traversée pour Léon : 17 mains serrées, 14 bises maculées de fonds de teint, des sourires parfois sincères, souvent hypocrites, un tantinet envieux (et oui, l’agence de Léon marche plutôt bien) et le voilà au « village des TO ». Un joli nom pour faire oublier qu’il y a quelques années, Top Résa c’était justement eux, les TO, et leurs concours de mégalomanie avec des stands de plus de 100 m² avec voyages à gagner à chaque demi-journée.


Mais ça c’était avant les crises. Depuis tout à changé. Sauf leur optimisme débordant et les cravates roses des commerciaux… C’est vrai : tout le monde est beau, bronzé toute l’année, et on voyage à l’œil, alors pourquoi se plaindre ? « Léon ! Comment vas-tu ? Alors les affaires, c’est bien reparti, hein… ! »


« Pffff… bien reparti ? Et ta mère elle est bien repartie ? » 2010 est pire que 2009, mais la petite entreprise Top Résa ne connait pas la crise, tout le monde est euphorique, même les TO sur leurs stands-clapiers. On attend le palmarès des TO qui sortira dans la presse la semaine prochaine : là, leur « moins 22% » crèvera les yeux…


Quelques patrons honnêtes exceptionnellement lucides avouent une saison difficile. L’un d’entre eux, sur qui des bruits de faillite possible ont couru ces derniers jours, reconnait à voix basse que ce n’est pas facile mais qu’en faisant le dos rond ça devrait le faire. Bien le gars.


Un autre, que tout le monde croyait moribond, nous annonce en sautant comme un cabri la sortie de son nouveau site BtoB, « une merveille de technologie, ça va faire exploser les ventes dans les agences ». Mouais… Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les agents de voyages qui vendent. Pas les BtoB.


Léa aussi était là… Elle avait calé des rendez-vous très pro’ avec ses réceptifs et les compagnies aériennes mercredi… parce qu’elle n’était pas certaine de se libérer mardi… mais elle est quand même venue pour vagabonder et « sentir le sens du vent ». Alors, direction le village des TO !


Elle a croisé les mêmes commerciaux que tout le monde, mais aussi les copines… Leslie, avec qui elle a passé 5 jours en eductour à Bali il y a deux ans. 12 thons, 2 gays, un beau gosse hétéro, Leslie et Léa… la morale interdit de révéler avec qui avait fini le beau gosse… n’insistez pas, vous n’en saurez rien !


Armelle, avec qui Léa a fait un stage « techniques de vente » organisé par son réseau il y a six mois. Elles avaient bien ri toute la journée et puis à la fin du stage, face à la caméra, elles faisaient moins les malignes… elle avait invité Léa à passer un week-end chez elle, dans sa ville moyenne. Jamais eu le temps…


Au stand Thalasso n°1, effervescence ! Pourtant, José n’est pas là… sans doute derrière son casque-micro à susurrer la phrase qui met Léa en émoi à chaque fois « ton code agence, s’il te plait ? ». Léa essaie d’être discrète chez eux… l’impression que tout le monde la reconnaît, et que Léa est traquée…


Et puis quelques jolies découvertes… des petits TO qu’on ne connaissait pas et qui ont l’air d’avoir de vraies spécificités… comme ce groupiste dont tout le monde parle… plaquettes, brochures et cartes de visites entassées dans le sac de Léa…


Mardi, du monde, beaucoup de monde même sur ce Top Résa version parisienne. Tant mieux, le secteur mérite de reprendre un peu de vigueur, les agences redoublent d’imagination, et les TO se battent pour évoluer, bien que l’espace occupé par les réceptifs ne cesse de s’étendre, comme le désert avance sur la savane africaine : laborieusement mais inexorablement.


Les TO font ils semblant de ne pas s’en apercevoir ? Sur le stand d’un spécialiste de l’Asie, le message est passé : le premier commercial qui chope un agent de voyages, il lui fait l’article ! Sans perdre de temps à savoir si par hasard, le commercial de l’agence de Léa a bien segmenté ses agences. Perte de temps pour le commercial qui fait l’article de ses nouveautés sur les 36 destinations traitées à Léa… le commercial attitré de Léa sait qu’en Thaïlande, au Vietnam et en Inde, elle traite avec des réceptifs… et que ça ne vaut pas la peine de lui parler de ces destinations…


Les commerciaux des TO louchent sur le badge de Léa… Alors, oui, Léa travaille à Paris Yème arrondissement… donc, son commercial, c’est machin. Il est en pleine discussion avec une petite grosse confrère mais il a croisé le regard de Léa et lui fait comprendre en 2 gestes que « là, pas le temps, mais reviens dans 5 minutes, j’en ai pas pour longtemps et je veux te voir ».


Le temps que le commercial qui a louché sur le badge de Léa retrouve qui traite le Yème, le message est compris. Il se justifie « Moi, je suis en Rhône-Alpes, machin ne devrait pas tarder à se libérer ». C’est là qu’on fait le rapprochement : mais oui, il est basé à Lyon et il en a une dans chaque port : à Dijon et Clermont-Ferrand, il ne coûte pas cher en hôtel le bougre… On a recueilli cette confidence par le commercial de Nord-Normandie qui accompagnait le voyage d’étude auquel on a participé l’an dernier.


Au fil des ans, moins de champagne, plus de rendez-vous professionnels. Les éléphants se font de plus en plus rares. Ils sont tout de même là pour la visite officiel de Môssieur le ministre, avec ses caméras et son cortège de groupies : syndicats, patrons de réseau, vieux briscards qui s’accrochent aux branches … les seuls retraités français à descendre dans la rue pour réclamer la retraite, mais pas avant 94 ans. Hé oui, difficile de se dire que les surclassements et les hôtels gratos c’est bientôt fini.


Un premier jour prometteur. Léa a rapporté quelques info’ intéressantes, mais le grand jour, c’est le lendemain… Quant à Léon, il n’a pas eu le temps de faire le tour des stands des réseaux d’agences… Il est tout de même passé devant le stand AS Voyages. Bondé ! Le champagne coulait à flot, dès le premier jour ! Ils ont quelque chose à fêter ? Peut-être leur nouveau nom ? Pas de quoi se taper le cul part terre pourtant…


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Pour Léa, ce mercredi à Top Résa a été calme et studieux… Elle s’est rendue compte qu’elle avait vraiment beaucoup de chance de pouvoir aller à l’agence en 10 minutes de vélo tous les matins (Léa habite Oberkampf et travaille en plein centre de Paris… ceux qui essaient de la pister seront heureux d’avoir un indice supplémentaire…)


Flanquée de sa copine Elodie, institutrice de son état (elle-même flanquée du badge de Coralie pour l’occasion…), Léa a du se résoudre à prendre le métro… Heureusement, c’est pas tous les jours !


Léa avait recruté Elodie mercredi matin pour lui servir d’appareil photo ambulant… Et c’est bien sûr sur le stand de Thalasso n°1 qu’Elodie a intrigué… dans l’espoir de traquer le beau José. Chou blanc… Elodie a certes rapporté quelques photos « d’ambiance » mais rien que Léa ne pourrait poser sur sa table de nuit…


Le planning de la journée de Léa était réglé avec une précision d’horloger. Pas question de zoner dans les allées à la recherche d’un commercial aux dents blanches… Léa avait rendez-vous avec ses réceptifs préférés : Kenya, Maroc, Australie, Ile Maurice, Thaïlande, Indonésie, Inde, Argentine, ils étaient tous là…


Aux détours des stands, Léa a encore claqué des bises à quelques copines d’éductour Force est de constater que le salariat a du plomb dans l’aile. Elles sont nombreuses les agents de voyages confirmées à devenir free-lance…


Bien des modèles économiques sont proposées à ces vraies cash-machines… Certaines sont devenues « apporteurs d’affaires » et facturent des rétrocessions de com’ à des agences qui sont bien contentes de récupérer une clientèle haute-contribution, d’autres travaillent chez elles, et décrochent les lignes téléphoniques que les agences leur « basculent ». Certaines ont rejoint le réseau Twim Travel et développent « leur » clientèle et en se servant de Twim Travel pour la licence et le back-office. Elles sont payées « à la commission ».


Toutes ressentent le même bonheur. Celui d’être « indépendantes », de travailler quand bon leur semble, de ne pas être sclérosées dans une boutique, de ne pas avoir de fille genre Isa' chef sur le dos et d’être payées « à hauteur de ce qu’elles rapportent ».


Léa se dit qu’elle a beaucoup de chance : parce qu’elle a un bon salaire (pour une agent de voyages…), qu’elle aime être au comptoir avec des filles avec qui elle s’entend parfaitement, que Big-Boss n’est jamais là (et qu’Isa’ qui n’est bientôt plus sa chef, est enfermée dans son cagibi) et qu’elle a le droit d’arriver tard à l’agence de temps en temps. Alors pourquoi changer ?


Mais elle admire toutes ces consœurs qui sont tout de même sacrément couillues se sont lancées entant qu’auto-entrepreneuses ou payées uniquement « à la com’ ». Du coup, nombre d’agences ont compris qu’elles devaient ramper s’assouplir pour garder leurs « bonnes » et rémunérer l’expertise autant que le management…


Pour Léon, qui avait serré la plupart des mains le mardi, un clin d’œil complice suffisait à saluer ses confrères en arpentant les allées tout aussi combles que la veille.


Léon aime les femmes. Toutes les femmes. Son regard s’égare sur d’autres cibles, moins professionnelles mais plus agréables. Une tendance se confirme : son impression de la veille n’était pas qu’une illusion : beaucoup de jolies filles sur le salon, plus que d’habitude… (Léon a-t-il maté Léa au détour d'une allée ? Nous ne le saurons jamais)


Deux raisons possibles réfléchit Léon : soit c’est un nouveau critère de recrutement, soit il vieillit et devient moins difficile. Contrairement à de nombreux autres professionnels, ce n’est pas parce qu’il a fréquenté nombre de jeunes femmes dans les agences et les éductours qu’il les aime, mais parce qu’il les aime qu’il a choisi un métier essentiellement féminin… c’est très différent, et peu honorable, mais il faut bien une motivation pour être entrepreneur dans un secteur où les marges sont si faibles.


Un deuxième jour donc sous le signe de Venus.

3 rendez vous – 3 femmes – 3 activités.


Rendez vous 1 : Miss commercial TO.
Il n’y a pas que José qui fasse fantasmer les agents, il y a aussi Josette qui ébranle (avec un E, messieurs calmez-vous) les patrons. Josette c’est trop moche - pardon aux Josette du tourisme, on sait qu’il y en a quelques unes - donc nous l’appellerons Isa' Hélène.


Hélène a les yeux clairs le regard doux et insistant de la jeune commerciale efficace, la robe courte mais raisonnable, d’un noir sérieux mais d’une coupe évoquant une tendance gothique/SM inavouée.


Sur Top Résa, Hélène chasse… elle chasse le patron d’agence, au hasard des allées ou depuis son stand sur le village. Quand elle est un peu audacieuse elle s’attaque au gros gibier : le patron de réseau, chasse gardée de son chef mais dans ses rêves de puissance et d’insoumission elle se verrait bien ramener un tel contrat en guise de trophée.


En attendant, elle à rendez vous avec moi, un petit patron acquis mais pas très actif alors sa mission est de me pousser à motiver mes vendeuses à vendre plus. Soit. Je passe un moment agréable, elle est sympathique, pro et me parle en posant de temps à autre sa main sur la mienne, je sais que c’est une technique, « ce n’est pas aux vieux singes » etc... mais Léon adoooooore. Et en plus ça marche, il a noté dans son petit carnet de briefer les filles en rentrant sur l’excellence de ce TO et sur leur volonté d'« accompagner » son agence.


Rendez vous 2 : Sales Manager d’une compagnie aérienne internationale.
Marguerite est un gros boudin ; pardon... elle est nettement moins sexy, tailleur bleu marine, cheveux tirés. On sent qu’elle à du se battre arriver à ce poste dans notre monde de machos misogynes, sans utiliser son charme bien trop caché pour être un atout…


Discussion pro, la parole concise, négo moins évidente. D’autant que dans ce cas c’est Léon qui est demandeur. L’objectif : obtenir des tarifs TO alors que, justement, Léon n’est pas un TO. Il avance doucement, concentré et professionnel, tapi dans l'ombre, montrant un grand respect pour sa fonction, presque déférent, et souligne que si son excellence daignait accorder des tarifs à l’humble mais ambitieuse agence de Léon (qui produit sur mesure de nombreux séjour sur sa destination), Léon serait trrrrrrrès honoré…. genre : Léon fayote quoi...


Ca ne marche pas. Plus Léon valorise la fonction de Marguerite, plus elle montre que sa compagnie n’a pas besoin de l’agence de Léon pour vivre. Certes. Léon va la frapper la moche change alors brutalement de stratégie et lui sort son regard profond et mystérieux, son sourire attendri par sa féminité démasquée, et rapproche son visage de celui de Marguerite pour lui parler d’une voix plus grave. (jetons un voile pudique sur la suite de la négo)


Léon ne saura jamais ce qui a fait pencher la balance, mais c’est dans la poche. Tarifs négo’ accordés, bientôt chargés sur Amadeus.


Rendez vous 3 : Lola, réceptif en Rep Dom.

Petite femme énergique et souriante, elle vend son pays comme elle parlerait de ses enfants, avec amour et passion, en critiquant les affiches stéréotypées de l’office du tourisme qui oublie trop souvent que ce pays est aussi une destination nature et culture, pas seulement plage et jolies filles en maillots brésiliens.


Léon lui présente son agence, elle le charme par son enthousiasme et lui propose autre chose que des hôtels club à Punta Cana. Léon adhère, lui expose ma vision de l’agent de voyages idéal, qui crée des voyages sur mesure pour ses clients.


Léon et Lola sont sur la même longueur d’onde bien qu’elle soit un tant soit peu critique envers la politique de référencement des réseaux : chère et sans garantie que la promotion de sa destination et celle de sa société soit assurées. Plus ou moins vrai selon les réseaux…


Une belle journée… Léon rentre épuisé ses hormones sens dessus dessous par tant de féminité stimulante et son égo est gonflé à bloc. Contrairement à ce qu'il avait prévu, il décide de ne pas revenir le lendemain pour rester sur une bonne impression de ce salon. Il attend avec impatience le prochain. Tant pis pour les réseaux, ce n’est pas cette année qu’il changera d’enseigne.


Pour Léon, reste à traiter les rencontres et rendez-vous, à recontacter tous le monde pour confirmer les accords, à partager ces informations avec les filles de l’agence et à mettre en œuvre de quoi bien finir l’année malgré la mollesse du marché. Top Résa-IFTM aura été à l’image du marché : concentré sur la reprise après deux années difficiles, professionnel et enthousiaste, d’un réalisme très…. féminin ! Tant mieux.


Pour Léa, il faut hiérarchiser les info’, tout remettre au clair, mettre à jour les programmes types sur chaque desti’, débriefer avec Isa’ et les filles… D’autant que chacune sera allée à Top Résa-IFTM… et aura son mot à dire… Le tout entre deux clients. (à l’heure où ce post a été écrit, le 13 octobre, Léa a à peine rouvert son sac « Top Résa ». Dé-bor-dée !)


mardi 5 octobre 2010

Léa a trente ans (et un nouveau job)

Voilà. J’ai 30 ans. Ça m’a fait bizarre de me réveiller vendredi matin et de me dire que j’étais passée de l’autre côté de la barrière. Celle des trentenaires… Qu’est ce qui a changé ces derniers mois ? Revue des quelques points majeurs…


1 – J’ai été promue responsable des ventes.

C’est allé très vite… en moins d’un mois, Coralie a annoncé sa grossesse, Big-Boss a lancé l’histoire du site web sur le Maroc et il s’est rendu compte de mes capacités à proposer et organiser. Le plus étrange, c’est que ça semble une évidence pour tout le monde : les filles m’ont toutes dit qu’elles étaient contentes pour moi, que je le méritais, qu’elles étaient aussi ravies de savoir qu’elles avaient enfin quelqu’un en qui elles pouvaient compter.


Je n’avais jamais fait beaucoup de bruit jusqu’à présent, tapie dans l’ombre, prête à bondir… mais on dirait que tout le monde n’attendait que ça…

Le dernier tour de négo’ a été fait avec Isa’. Ça s’est très bien passé.


Elle a fait sa mère de famille, m’a parlé très calmement et sérieusement, m’a expliqué que c’était une vraie marque de confiance de la part de Big-Boss et elle (comme si elle était à l’origine de quoi que ce soit…), m’a dit qu’elle me soutiendrait toujours (pour quoi faire ? je n’ai pas compris…) et qu’il fallait vraiment qu’on fasse un pool toutes les deux.


Alors moi, je ne suis pas une poule, mais bon… donc, on a bien délimité ses domaines d’intervention et les miens, pour que tout se passe dans une belle harmonie.


Isa’ a insisté auprès de Big-Boss pour qu’on fasse des réunions régulières tous les trois. Sans doute pour se protéger et bien montrer qu’elle sert à quelque chose…


Moi, j’ai un nouveau cahier avec écrit « organisation comptoir » et depuis quelques jours, j’écris ce à quoi je pense. Et il semblerait que j’ai deux ou trois idées pas idiotes pour rationnaliser le workflow (Big-Boss a fait un stage d’argumentation commerciale en juin, et depuis il dit « process », « workflow », « impacter », « acter » et « à date », c’est horrible tellement c’est pas lui.)


Moi, je suis d’accord sur tout, je reste souriante et enthousiaste et surtout qu’on me laisse bosser…


2 – un titre

Alors voilà… sur ma fiche de paye, je reste agent de comptoir niveau D. Mais j’ai une carte de visite avec écrit « responsable des ventes » (enfin… j’aurai un jour…) Big-Boss m’a présenté ça comme si il devait négocier la fin du conflit israélo-palestinien.


Ceux et celles qui sont attachées à la sémantique auront noté d’eux-mêmes : « responsable des ventes » et pas « chef de comptoir ».


Explications :

D’abord, pour rappel :

> chef
(nom masculin)
Tête.
Celui qui est à la tête, qui commande.

> comptoir
(nom masculin)
Table sur laquelle le marchand étale ses marchandises et reçoit ses fonds.

> responsable
(adjectif et nom commun)
Qui répond de ses actes, de ceux de certains autres dont il a la responsabilité.
Qui est garant de quelque chose.
Qui a une fonction, un pouvoir de décision

> vente
(nom féminin)
Echange d’un objet contre un prix convenu.
Action de vendre

Vous noterez 2 ou 3 détails : je ne suis pas chef, donc je ne commande pas… en revanche, je suis la garante de quelque chose : les ventes (le chiffre, quoi…) et surtout de l’action de vendre : les process, le CRM, la segmentation produits… (4 heures d’explic’ en franglish de la part de Big-Boss… un lendemain de cuite, c’est pas un cadeau…)


Je réponds non seulement de mes actes, mais aussi des actes des autres vendeurs. De par ma fonction, j’ai le pouvoir de décider d’un certain nombre d’actions. Je vous promets que ça va décoiffer à l’agence et les journées portes ouvertes sur le thème de la destination du mois (celle qu’on mettra en valeur dans la vitrine..) vont se succéder. Avec du vin australien et des nems s’il vous plait…


Les destinations qu’on mettra en valeur ? Celles qu’on aura visitées en éductour (par association d’idées… penser à vous raconter mes 4 jours en Irlande… Dieu que ce pays est vert et que les gens ont l’air sains là bas… à côte des paysannes rougeaudes et travailleuses, j’avais l’impression d’être un bourgeoise famélique et folle sous ecstasy, voyez Arielle Dombasle ? ben voilà… la même…)


3 – et l’argent ? Qu’est-ce que ça donne ?

Big-Boss a refusé d’en discuter. Je suis à l’essai dans mon poste, l’idée est que je reste une vendeuse… mais une vendeuse encore plus responsable qu’avant…


Big-Boss a essayé de me proposer une rémunération équitable. (c’est un de ses nouveaux mots préférés). Démonstration alambiquée : (il tripotait ses mains et ne me regardait plus dans les yeux…)


- La responsabilité doit être payée. Donc, je vais être augmentée. Mais dans six mois, quand on fera un point sur mes nouvelles attributions. Et qu’il sera certain que je suis la bonne chef de comptoir (non… pas chef de comptoir : responsable des ventes !). Je serai alors jugée sur mes résultats.


- Mon travail d’encadrement va me prendre du temps et je ne serai pas disponible à 100% pour mes clients. Je ferai sans doute un peu moins de vente et j’aurai donc moins de commissions. Big-Boss veut compenser cette baisse attendue de la partie variable de ma rémunération (s’t’eup’ dis « comm », comme tout le monde...)


- Je vous passe deux heures de bla-bla… j’aurai donc en octobre une prime exceptionnelle de 1500 € et en gros, j’ai intérêt à m’en contenter. (Là, j’ai accepté avec un grand sourire, parce que je m’attendais plutôt à bosser gratuit pendant 6 mois et à mendier une augmentation ensuite…)


J’ai réfléchi un peu et j’ai trouvé un méga plan pour avoir l’augmentation de ma life…


- Je vais être tellement occupée dans les prochains mois que je vais passer des beaux dossiers long-courrier aux filles. Pas le temps de bosser sur les autotours à Cuba et les combinés Asie. Comme les prix ont l’air d’avoir pas mal augmenté par rapport à l’an dernier, on devrait faire plus de chiffre… et si les filles font du chiffre, c’est pas un miracle : c’est parce que Léa les aura bien coachées…


- En revanche, je me concentre bien sur mes destinations préférées… l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Australie… j’ai des dossiers en préparation sur tout l’hiver, je les ai mis un peu au frigo… et je m’arrangerai pour les confirmer juste quand il faut, et avoir un chiffre mensuel équilibré… Prendre un air un peu indigné : c’est fou comme le réceptif a mis longtemps à confirmer ce dossier… je ne l’ai facturé que 3 semaines après signature du client… plusieurs contre-propositions à gérer : les lodges étaient complets… ça a bien repris le Kenya avec l’affichage métro… (et le client est ravi, parce que forcément, le chèque d’acompte n’est pas passé tout de suite..)


- Bref, en avril, mon chiffre aura baissé mais celui des filles aura augmenté… là, j’expliquerai à Big-Boss que j’ai passé beaucoup de temps avec les filles sur les argumentations, que ça a porte ses fruits, mais que j’ai fait moins de dossiers… donc que mes commissions ont baissé et que je mérite une revalorisation de mon fixe. Et bizarrement, à ce moment là, je me remets à faire des ventes. Et à toucher des comm’… Subtil, non ?


Le lendemain, j’ai quand même dit à Big-Boss que j’aimerais bien qu’on fasse un point sur mes réalisations au bout de trois mois, genre à Noël… (histoire de pouvoir faire un petit virage à mi-parcours si ça pue…)


4 – Et Isa’ dans tout ça ?

Elle compte… elle pointe… elle analyse les offres des TO et des réceptifs, elle négocie les partenariats et elle reçoit les commerciaux ! J’en connais qui vont moins s’attarder à l’agence…


Les prestataires devront prouver à Isa’ que leurs produits sont meilleurs que ceux des autres et c’est Isa’ qui décidera si on les voit après qu’elle a fait le filtre.


Franchement, ça m’arrange… elle fait la méchante… et moi, je n’ai plus qu’à faire ma gentille...

Et puis elle lance le site sur le Maroc !


5 – Et ton anniv’ ?

Ben c’était super… jeudi, les filles m’ont invitée à dîner chez un marocain (ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille…), y’avait un joli Jérôme un peu timide aux yeux de biche à la table à côté…on s’est échangé nos n° de téléphone… (la suite n’appartient qu’à nous… non, vraiment, n’insistez pas, ça me gène…).


La soirée s’est finie un peu tard, Sonia est restée dormir chez moi (la pauvrette habite à Vanves… ça lui aurait coûté une fortune en taxi !) et vendredi matin, 4 copines ont débarqué chez moi avec les croissants… (avec Sonia et moi, ça faisait 6…)


Là, discrètement, pendant que je buvais mon thé avec les copines, Sonia a fouillé dans mes affaires, a préparé mon sac de voyages et a dit soudainement « c’est pas tout ça, mais on a un avion à prendre ».


Comment ça un avion ? J’ai eu l’impression d’être kidnappée… On est parties à Orly, je ne savais toujours pas quelle était la destination finale… à Orly, dans la file d’attente, surprise ! 4 autres copines qui allaient à Fez… et deux autres qui m’attendaient dans l’avion avec un drapeau « Léa a 30 ans. Happy Birthday… »


Sur place, accueil VIP de mon réceptif, un riad rien que pour nous 12…le soleil, des jets d’eau et la piscine, des gâteaux et du thé à la menthe tout le week-end, des soins du corps et des massages au hammam, les meilleurs tajines du monde et plein de cadeaux… Et mes 11 copines adorées…


Merci les filles !

Et Jérôme qui m’attendait à l’aéroport dimanche soir… (vous n’en saurez pas plus je vous ai dit…)


6 – Et sinon ? autre chose la semaine dernière ?

Top Résa… Embrassé plein de monde… Léon-le-Patron et moi sommes en train d’écrire un post à quatre mains… un peu de patience s’il vous plait… je n’ai jamais promis de coller à l’actu’ et là, je suis crevée !


7 – Et José dans tout ça ?

Rien. Nada. Walou. La dernière fois que José m’a adressé la parole, c’était pour me demander « ton code agence, s’il te plait ». Et même pas un message sur mon FaceBook pour souhaiter mes 30 ans. Tout n’est pas rose finalement dans ma vie…