samedi 30 avril 2011

Léa parle salaires

Je vous préviens : si pour vous, l’argent est un tabou, ne le lisez pas ce billet…. Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler salaires ! Là, je sais que vous vous dîtes déjà « ça y est, encore une agent de voyages qui va se plaindre ». Et ben même pas… je fais partie des 1% des agents de voyages de France qui se trouvent correctement payées. Correctement, ça veut dire « à ma juste valeur ». (de toute façon, je ne serai jamais assez bien payée : comme je dépense l’équivalent du PIB du Guatemala en fringues chaque année et que j’absorbe à moi toute seule toute seule 12% de la production mondiale de culottes en dentelles, vous imaginez bien que ça représente trois sous…)

Le sujet est vraiment sensible en France, alors je vais y mettre un peu les formes…

Pour des expertes en climatologie, en politique internationale, en informatique, en psychologie et en prise en charge des gens attardés, on (les agents de voyages de France) est super mal payées. Bien sûr, quand les clients nous disent qu’ils veulent partir le 12, on a bien compris qu’ils voulaient dire « le 11 »… on sait aussi que quand les clients disent « je pars avec ma femme », il faut bien demander le nom de famille de la dame en question (parce que bien entendu, il est assez rare qu’un client nous annonce cash « je pars avec ma maitresse, alors forcément, on n’a pas le même nom ; je vous dis ça, parce que je sais que c’est important pour le billet d’avion »…).
Le plus souvent, (c’est du moins ce que disent les collègues qu’on rencontre en éductour) pour 100 ou 200 € de plus que le SMIC…

Moi, je suis sans tabou… Alors je crie : je gagne 2000 € par mois. Bruts. Fois 12. Plus les commissions. Et les primes de fin d’année. Et 7 heures supp’ par semaine (défiscalisées).



Et je pars en vacances presque gratuit (Isa’ négocie avec les prestataires et Big-Boss finit par dire : « 260 € les 3 jours à Barcelone ? Pff, c’est bon, on les passe en frais » (après, je dois quand même faire des fiches sur 3 ou 4 hôtels…). Et quand je voyage en éductour, Big-Boss ne me décompte pas tout en vacances (en gros, pour 2 ou 3 jours + le week-end, il m’offre une journée… pour une semaine, il m’offre deux ou trois jours…).



Je n’ai pas de RTT mais quand je bosse le lundi (en plus de mes heures sup’ parce que je fais déjà des journées de dingues du mardi au samedi), j’accumule des récup’. Du coup, quand je m’offre des p’tits week-ends, c’est jamais décompté en CP mais en récup… (à propos de week-ends prolongés, allez voir mes photos du ski sur ma page Facebook : il faisait un froid de canard mais y’avait du moniteur bronzé en pagaille…)

Je ne voulais pas vous abrutir avec une tonne de chiffres, mais je ne peux pas faire autrement… Si je peux donner à quelques boss d’agences des idées pour donner des primes aux blondes des comptoirs, je ne vais pas me gêner. Comment, grâce aux primes, arrivé-je à avoir un salaire net supérieur à mon brut de base presque tous les mois ? Je vous livre donc ci-dessous les calculs de commissions à l’agence : on l’appelle « la prime à la performance »

Jusqu’en 2005, notre prime était calculée sur le chiffre d’affaires : un fixe + 0,4% du CA facturé… à l’époque, je vendais pour 600 000 € et ça me faisait 2000 / 2500 € par an… Et ça a augmenté…

En 2008, changement de règle : chacune d’entre nous devait facturer 800 000 € par an. Si tu factures 400 000 € entre janvier et juin, tu as une prime de 2000 €. Et si tu réédites l’exploit entre juillet et décembre ? Encore 2000 €.

Comme certaines n’avaient pas franchi les paliers, cette année là, on a eu un treizième mois… Parce que Big-Boss est du genre partageur…

En 2009, il nous a expliqué que c’est bien joli de facturer, mais il faut que ça rapporte. Il a donc remplacé cette prime sur le CA par une prime de performance. En nous expliquant qu’on allait y gagner :

C’est un truc un peu vicieux… calculé chaque mois par le système de facturation. Et recraché par l’imprimante en caractère arial 7. Tordu. J’explique : chez Big-Boss voyages, tu es censée marger tes forfaits sur-mesure (plus de 50% de l’activité de l’agence) à 20%. Et Big-Boss et Isa’ ne sont pas du genre à te laisser accorder une ristourne au client pour le décider à signer (tu atteindrais tes 400 000 € de facturation au semestre, mais tu dégraderais la marge, et ça, c’est très très mal… Big-Big, ça le rend fort malheureux…)

Quand je suis arrivée à l’agence, je n’osais pas marger autant : je ne margeais l’avion qu’à 34 € (c’est notre barème pour les vols secs moyen-courrier...), je lisais mal les petites lignes des suppléments, et j’arrivais péniblement à 15%... Alors Isa’ me disait que pour gagner ça, ça ne valait pas plus que 4 clics sur un site B2B et que j’emmerdais pour rien à faire mes calculs alambiqués... ça me minait.

Tu es donc incitée à surmarger. Pour ça, rien ne vaut la vente additionnelle : tu calcules un forfait. Disons un autotour en Andalousie. Vols Paris/Malaga et retour Séville/Paris, location de voiture en catégorie A, 5 nuits en hôtels de charme. Pas difficile. Tu additionnes tout ça. Tu divises par 0.8 pour marger à 20% et tu as un prix. Précision : si pour marger à 20%, tu as multiplié ton prix d’achat par 1,2, tu n’es pas embauchée par Big-Boss parce que tu n’as rien compris. Là, je sais, je suis fâchée avec 80% des agents de voyages de France (parce que pour marger à 20%, elles multiplient par 1,2 et elles sont vraiment persuadées de faire leur boulot correctement…) mais tant pis…

Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que je sais que 80% des lecteurs du billet ont déjà décroché… mais l’idée est de proposer des « petits plus » qui vont faire craquer le client. Et ceux là, tu ne les marges pas à 20% mais plutôt à 40%, voire davantage... ça fera augmenter ton taux de marge moyen… genre par petites couches

Exemples :
- « pour seulement 27 € par nuit et par personne, offrez-vous l’hôtel X à Séville » (il est vachement mieux que l’hôtel Y que vous avez pris en base de cotation, mais pourtant, il ne coûte que 6 € de plus…) Allez ! Bénéfice net : 21 € par personne. Fois 2 parce que vous avez 2 nuits à Séville (dingue comme « 27 € par nuit et par personne », ça fait moins cher que « 108 € pour le dossier »)



- Comme tu es gentille, tu n’assommes pas le client « je vous ai mis une catégorie A, c’est bon hein ? C’est une petite voiture, mais vous ne conduirez que 250 kilomètres par jour… en moyenne… » (Tu insistes bien sur le « en moyenne » pour lui faire peur… présenté comme ça, le client devrait s’enquérir du supplément pour une catégorie C. Et qu’est-ce que tu fais ? Tu l’as surmargé… c’est bien ! Tu as compris ma technique…)

- Et le coup de grâce : « vous prenez l’assurance, hein ? ». (Ben oui, sûre de toi comme tu es, il ne va pas dire non…) « 3% à peine pour être remboursé des frais d’annulation si vous êtes dans l’impossibilité de partir » (commissionné à 32%, allez chérie, fais toi plaiz’ : ça n’augmente pas beaucoup ta marge moyenne, mais un peu quand même… et comme disait ma grand-mère, « les petits ruisseaux font de grandes rivières »)



C’est par ce genre de subterfuge qu’on passe d’un dossier margé à 20% à un dossier margé à 26%… (Comment ça 28,4% ? Oh… ne chipotons pas ; c’est vrai que je me suis un peu lâchée sur le surclassement de la voiture de loc’).

Et quand tu marges à 28,4%, Big-Boss sait être très très gentil en « primes à la performance »…

Ce qui va te permettre d’acheter de nouvelles culottes…






jeudi 21 avril 2011

Faire payer la rédaction de ses devis pour ne plus travailler pour rien


Depuis quelques années, on a commencé à se pose une grave question existentielle dans les agences qui fabriquent du voyage sur-mesure : faut-il faire payer nos devis ?

Je recontextualise (le schtroumpf à lunettes emploie toujours cette expression ; j’ai vérifié dans un dictionnaire ; elle n’existe pas. Mais j’aime bien, alors je l’emploie… ça fait savant). Je recontextualise donc : un client vous allèche avec un beau projet à 20 000. (ça change du 14ème séjour à Maurice de la semaine « dans un hôtel sympa, vous voyez ce que je veux dire »… en plus, vous l’aimez bien ce client, il part tous les ans, vous fait un petit debrief à chaque retour (ce qui vous permet d’évaluer la qualité de vos prestations et d’améliorer votre conseil) et vous propose systématiquement de vous rapporter quelque chose « qui vous ferait plaisir » (du coup, vous avez une collection de d’épices marocaines, jordaniennes, mauriciennes à ne savoir qu’en faire…).

Bien sûr, il veut un truc super chiadé qui n’existe dans aucune brochure. Vous ne connaissez pas super bien la destination (forcément, un combiné Bolivie/Pérou/Equateur/Galapagos… une fois que vous avez dit « chemin de l’Inca », « musée de l’Or » et « salar d’Uyuni », vous êtes un peu creuse…). Du coup, vous vous documentez à fond pour ne pas avoir l’air (complètement) idiote. Vous passez des heures à vous creuser la cervelle sur un projet tordu pour lequel vous avez fait appel à six réceptifs.

Au bout de 8 jours de boulot (entre temps, vous avez abattu 1000 autres tâches aussi pointues que chronophages), le projet sur lequel vous a fait plancher le client tient à peu près debout. Vous avez découvert l’existence d’un pass multi-pays en Amérique du Sud (vous vous coucherez moins blonde ce soir). Vous avez rédigé un joli programme qui utilise 4 prestataires différents, qui mêle « expériences d’exceptions », « trésors architecturaux » et « hébergements atypiques ». Du coup, vous avez fantasmé sur un hôtel de sel, vous vous dites que vous marcheriez bien dans le salar d’Uyuni et que nager avec les tortues dans les Galapagos, ça vous ferait vraiment vibrer…

Pendant 8 jours, vous avez fredonné « enfant du soleil, tu parcours la terre, le ciel, cherche ton chemin, c'est ta vie, c'est ton destin, et le jour, la nuit, avec tes deux meilleurs amis, à bord du grand Condor, tu recherches les Cités d'Or » jour et nuit mais il faut retrouver la raison : si le Monsieur signe, vous avez fait gagner plus 4000 € à Big-Boss et vous avez franchi un nouveau pas vers la prime à la performance fantasmée depuis des mois.

Vous envoyez un mail au Monsieur pour lui proposer de prendre rendez-vous à l’agence « à sa meilleure convenance » pour que vous puissiez lui présenter le projet. Il va passer demain vers 13h.

Le lendemain arrive. Vous fredonnez « enfant du soleil » sous la douche et envisagez un sacrifice humain pour conjurer le mauvais sort (le rustre qui a pris le dernier vélib hier soir alors que vous rentriez de chez votre copine Elodie fera l’affaire). Magnanime, vous décidez d’épargner le fâcheux et de simplement porter votre culotte porte-bonheur…

12h55. Le Monsieur du combiné « Bolivie/Pérou/Equateur/Galapagos » arrive. Vous êtes au téléphone mais comme vous avez l’habitude de faire quatre choses à la fois, vous lui souriez aimablement et l’invitez à s’asseoir d’un geste chaleureux. Après les amabilités d’usage, vous expliquez avec passion le déroulé du voyage que vous avez imaginé pour lui : les 4 gros blocs, puis le jour après jour. Vous lui remettez un joli programme en couleurs. Il a l’air très heureux. Vous vous réjouissez de lui donner tant de bonheur. Ça devrait suffire : après tout, le Monsieur est un client fidèle de l’agence.

13h40. Le Monsieur fait mine de prendre congé. Vous l’accompagnez à la porte en faisant des effets de cheveux (une copine attachée de presse vous a appris que le repositionnement de mèche était super important dans une argu’) et vous invitez Monsieur à étudier la propal et à vous recontacter « sous 8 jours » s’il désire que vous apportiez quelques modifications au programme. Ah oui… sous 8 jours, parce que la compagnie (la vilaine…) ne vous a accordé d’option sur les vols que pour 15 jours et le temps que tous les prestataires confirment, vous voyez ce que je veux dire…

Le Monsieur ne va pas attendre 8 jours.

3 jours pour plus tard, vous recevez un e-mail dans lequel il vous « remercie chaleureusement pour l’ensemble des recherches effectuées » et « le sérieux de votre proposition ». Il insiste sur le fait que votre suggestion des deux vols intérieurs en Bolivie est « tout à fait pertinente » (le pauvre s’attendait à faire des jours de route), vous avoue être « vraiment séduit » par l’hôtel de sel… mais (oui, il y a un mais…), il vous remercie de bien vouloir étudier le document excel en pièce jointe.

Vous allez défaillir. Le document excel reprend jour par jour votre proposition et au regard de chaque prestation, le gentil Monsieur a indiqué son prix. Oui, le fourbe s’est servi de votre proposition « si bien construite » pour indiquer les prix qu’il a trouvé tout seul comme un grand sur les sites web des fournisseurs. Ainsi, vous vous rendez compte que votre réceptif en Equateur est systématiquement 10 à 12% plus cher que les hôtels en direct.

Un rien perfide, le Monsieur vous fait remarquer que bien entendu, il n’a pris le temps que de regarder les prix des vols et des hôtels, qu’il comprend que les véhicules avec chauffeur coûtent de l’argent… ainsi que votre « excellent travail », qu’il vous « fait confiance » parce que vous lui avez organisé des voyages parfaits en Egypte, en Jordanie, en Islande, au Maroc et en Espagne, mais qu’il a du mal à imaginer que les véhicules avec chauffeurs puissent coûter près de 8000 € pour les 16 jours où il en a un.

D’autant qu’il a regardé les prix des locations de véhicule sur internet et qu’il vous indique aussi le salaire quotidien d’un chauffeur dans les pays en question. Il vous invite donc à « renégocier vos prix avec vos prestataires » ou « revoir votre marge ».

Je vous épargne les détails, mais vous avez dû remettre votre ouvrage sur le métier (celle expression est délicieuse, j’ai parfois l’impression de vivre au XVIIème siècle) : vous avez négocié ferme avec votre réceptif en Equateur pour qu’il baisse ses prix de près de 20%, changé de fournisseur pour la croisière aux Galapagos (car la première compagnie ne vous accordait que 8% de commission), jeté l’éponge sur la partie « Bolivie » (vous étiez 3 fois plus cher que ce que le client avait « trouvé sur internet »), revu votre marge sur l’aérien et assumé une augmentation de la surcharge fuel d’Iberia.

Bien entendu, vous avez aussi dû lutter contre le Monsieur, justifier de toute la valeur ajoutée qu’apportait l’agence : les paiements échelonnés, la garantie des prestations, l’assistance-rapatriement, le service après-vente etc… mais selon le Monsieur, ça ne justifiait pas toute la différence. Après négo, le Monsieur a signé mais au lieu de gagner 20% sur 21 000 €, vous avez gagné 16% sur 16 000 €, soit à peine plus de la moitié de ce que vous prévoyiez... perdu bien du temps, et vu votre prime à la performance s’éloigner…

Bien entendu, ça n’est pas tous les jours que vous passez autant de temps sur un devis qui englobe plusieurs pays sur lesquels l’agence a un petit volume… Si vous n’avez pas facturé de « frais d’étude » à ce Monsieur, c’est parce que vous n’aviez aucune idée de ce qu’allait coûter son voyage quand il est venu pour la première fois vous parler de son projet.

Je m’explique : Quand un client nous demande un devis « HB » (ça veut dire « hors brochure » et ça comprend tout ce qui n’est pas un simple séjour ou un GIR), on fonctionne ainsi à l’agence :
On lui demande ce qu’il a repéré, on fait une première proposition d'itinéraire oralement (en insistant sur les sites à ne pas manquer), on le conseille au mieux et met en valeur les points forts de ce que l’on peut proposer… et on lui annonce une fourchette de prix. Par exemple « entre 600 et 650 € par personne ».

Si le client veut alors un programme, je prends mon sourire n°4 et lui montre le panneau qui annonce la couleur sur un pilier de l’agence « devis sur mesure : 68 € ».
Si le client s’offusque, je lui rappelle que je lui ai annoncé que « le prix de [son] voyage sera de 600 / 650 € par personne et que si [il veut] une étude détaillée, je la ferai pour 68 € ». Le plus souvent, le « client » finit par me dire qu’il voulait juste un devis « pour voir » et je lui réponds (sourire n°7, le figé) que moi, je ne suis pas là « pour lui montrer » les détails sans engagement de sa part.

Si le « client » est mûr pour s’inscrire et que le budget que je lui ai annoncé lui semble convenable, il signe alors une feuille A4 qui reprend nos conditions de vente et notre « devis d’étude ». Ce formulaire prévoit
- que le client recevra son devis sous 72 heures, (pour ce prix là, on peut bosser vite, c’est la moindre des choses…)
- que si ma cotation dépasse le prix annoncé (ici, 650 € par personne), je lui rendrai son chèque. En plus, du coup, il recevrait un « devis gratuit »,
- que s’il s’inscrit, ce qu’il a payé comme « frais d’étude » sera déduit de sa facture finale,
- qu’une deuxième étude sera (gratuitement) possible à condition que les demandes de modification soit formulées par écrit,

Au départ, ça a surpris. Habitués au « service gratuit », les clients se sont offusqués que l’on facture quelque chose « qui ne coûte rien ». Rien ? Juste du temps… et je vous assure que mon temps, il vaut de l’argent…

Depuis la mise en place de cette procédure de « frais d’étude », on ne réalise presque plus de devis dans le vent. Au moins, les clients nous répondent même s’ils n’achètent pas chez nous (fou le nombre de gens très disponibles pour discuter avec vous au moment de la préparation de leur itinéraire et qui ne vous prennent plus au téléphone quand vous voulez connaître leurs impressions sur le devis envoyé)

Il est assez rare que l’on doive rembourser les frais d’étude parce que le prix annoncé avant étude « au doigt mouillé » n’était pas réaliste, et les clients ont apprécié ce « devis gratuit » ; certains ont même signé…

J’ai réalisé une petite enquête auprès de mes confrères avant d’écrire ce post. Force est de constater que vous êtes frileux dans le fait de facturer des frais d’étude à vos clients. Les principales objections que l’on m’a adressées sont les suivantes :

« D’accord pour un devis payant, mais remboursable en cas d’inscription ». (Fabrice)
Là, je suis d’accord : il ne faut pas que le client ait l’impression de subir une « double peine » : payer pour son devis en plus de payer les marges et commissions de l’agence

« Tout dépend du devis : pourquoi faire payer un devis qui te prendra 5 minutes ? ». (Grégory). Ici aussi, je suis d’accord : on ne facture que les devis sur-mesure dont le calcul et la rédaction prennent du temps : on facture sa valeur ajoutée, pas quelque chose que n’importe qui est capable de faire (gratuitement…) à sa place.

« Faire payer des devis aux clients que l’on ne connaît pas, OK ; mais pas aux clients fidèles de l’agence ». (Tom). Pourquoi pas ? Mais n’oubliez pas qu’un client de l’agence n’est jamais acquis. Et quand vous ne facturez pas un client « fidèle », expliquez-lui que comme vous le connaissez bien, vous ne lui facturerez pas à lui de frais d’étude… qu’il ne tombe pas des nues quand un client « à qui il a conseillé l’agence » s’insurge auprès de lui qu’il lui a été réclamé ces frais. Au contraire, ce bon client peut être une sorte d’éducateur qui va expliquer à ses copains que vous facturez des frais d’étude, mais que votre travail est toujours sérieux et que ces frais ne sont pas bien élevés par rapport à la qualité de votre prestation.

« Les autres agences ne prennent pas de frais d’étude ; je n’aurai plus de clients si je leur demande de payer un devis » (Yann). Ce qui est intéressant, c’est que Yann répond lui-même à sa propre objection quand il ajoute « les mauvais coucheurs sont partis à l’agence d’à côté qui ne facture pas ses devis ; « ceux qui ont accepté de payer mes frais de devis signent à 90% ». Ben oui Yann, faire payer son conseil au préalable permet de faire le tri entre les clients motivés et les curieux. C’est bien notre but à tous, non ?

Et quand je fais signer un client, je me surprends toujours à être extrêmement heureuse… je me permets alors d’esquisser quelques pas de danse sur une jolie chanson… Alors, tous avec moi :
Enfant du soleil, tu parcours la terre, le ciel, cherche ton chemin, c'est ta vie, c'est ton destin, et le jour, la nuit, avec tes deux meilleurs amis, à bord du grand Condor, tu recherches les Cités d'Or (aaah ah ah ah ah Esteban, Zia, Tao, les Cités d'Or) Enfant du soleil, ton destin est sans pareil, l'aventure t'appelle, n'attends pas et cours vers elle (aaah ah ah ah ah Esteban, Zia, Tao, les Cités d'Or)

Nous nous engageons à en retirer l'affichage des paroles de cette chanson en cas de demande des ayant-droits.

jeudi 14 avril 2011

Je veux un hôtel sympa, vous voyez ce que je veux dire




Résumé des épisodes précédents : vous vous réjouissiez un peu tôt d’avoir un client facile : il veut partir en couple « au soleil, sans trop de décalage horaire en plein hiver pour pouvoir buller sur la plage » et accessoirement « pratiquer un peu les sports nautiques, mais pas trop parce qu’[ils sont] crevés »



OK. Vous avez des idées de destinations comme l’île Maurice ou les Seychelles… vous vous apprêtez à reformuler le « pas trop de décalage horaire » pour bien comprendre ce qui est acceptable par le client…



Le client vous a indiqué avoir 4000 / 5000 € de budget pour le couple, ce qui vous permet de répondre à sa demande sans problème, et là… regardez bien : vous allez poser la question qui tue : « Vous recherchez quel type d’hôtel ? »




La grave erreur !



Vous venez de transformer une vente simple en un vaste problème impossible à résoudre.



Parce que le client va alors vous faire la réponse en trois mots. Tenez vous bien : il veut « un hôtel sympa ». C’est là que ça va se compliquer…
Là, vous vous maudissez. Vous pleurez intérieurement. Vous insultez l’agent de voyages gaffeuse qui sommeillait en vous, prête à bondir et qui ne s’est pas gênée pour s’exprimer.
Le mec veut « un hôtel sympa »




Mais sympa comment ?





Moi : « sympa… c’est à dire… »




Le client (enthousiaste) : « ben… sympa !! »




Moi (pleine de doutes) : « ah oui… sympa… c’est à dire… sympa convivial ? sympa romantique ?… »



Le client (atterré par mes questions idiotes) : « sympa convivial mais romantique aussi… »



Moi (qui commence à me dire que le bout du tunnel est bien loin) : « c’est à dire… »



Le client (qui a compris que je suis du genre têtue) « enfin, surtout sympa convivial parce que romantique… j’y vais avec ma femme et ça fait bien 20 ans qu’on est à la colle, alors hein… le romantisme… » (le client fait un geste presque ordurier que vous faites semblant de ne pas voir). « L’idée, c’est aussi de rencontrer des gens, de se retrouver entre Français, mais dans un hôtel sympa ».




Eh bien, nous y voilà… Ce sera donc sympa-convivial et pas sympa-romantique, puisque le client ne regarde plus sa femme, qu’il est un gros beau-f’ qui veut des bonnes blagues d’un animateur lourdaud et des jeux apéritifs. Et quand il parlait de « pratiquer un peu les sports nautiques », c’est parce que Madame est un peu branchée aquagym.




Là, vous êtes trrrès agacée. Vous oubliez le joli boutique-hôtel à Maurice auquel vous pensiez, vous renoncez au combiné d’îles aux Seychelles sur lequel vous fantasmez, vous ignorez les suggestions de thalasso que vous prépariez en plan B (vous allez devoir attendre le client suivant pour appeler le joli José sous un prétexte fallacieux)




Note pour les agents de voyages débutants : ce qui est « sympa » pour vous n’est pas forcément « sympa » pour le client :



Un séjour dans un village-vacances très convivial et pas romantique du tout peut très bien correspondre à la définition du mot « sympa » pour certains clients à condition que ce dernier puisse jouer aux boules et que le buffet ne soit pas « avec des trucs bizarres qu’on connait pas ». (oui, figurez-vous que le « poulet tiède / frites molles », ça peut être très sympa)




Le plus important est la communication. On peut vite partir dans de mauvaises directions, et proposer un boutique hôtel raffiné au client qui ne jure que par les animations lourdingues.



Vous aimeriez ressembler à Bo Derek ou Romy Schneider ? Il trouve que « Zahia Dehar est ultra bonne »



Vous aimez le jazz ? Le client a le droit d’aimer Patrick Sébastien.




J’imagine la tête du chef de rang d’un restaurant de l’Amanpuri ou de la Résidence quand le client s’enhardira à faire tourner les serviettes… L’ambiance ? Comment vous dire ? Très sympa






Librement inspiré et plagié du blog http://www.estherbaruchel.com/ avec l’aimable autorisation d’Esther.