jeudi 14 avril 2011

Je veux un hôtel sympa, vous voyez ce que je veux dire




Résumé des épisodes précédents : vous vous réjouissiez un peu tôt d’avoir un client facile : il veut partir en couple « au soleil, sans trop de décalage horaire en plein hiver pour pouvoir buller sur la plage » et accessoirement « pratiquer un peu les sports nautiques, mais pas trop parce qu’[ils sont] crevés »



OK. Vous avez des idées de destinations comme l’île Maurice ou les Seychelles… vous vous apprêtez à reformuler le « pas trop de décalage horaire » pour bien comprendre ce qui est acceptable par le client…



Le client vous a indiqué avoir 4000 / 5000 € de budget pour le couple, ce qui vous permet de répondre à sa demande sans problème, et là… regardez bien : vous allez poser la question qui tue : « Vous recherchez quel type d’hôtel ? »




La grave erreur !



Vous venez de transformer une vente simple en un vaste problème impossible à résoudre.



Parce que le client va alors vous faire la réponse en trois mots. Tenez vous bien : il veut « un hôtel sympa ». C’est là que ça va se compliquer…
Là, vous vous maudissez. Vous pleurez intérieurement. Vous insultez l’agent de voyages gaffeuse qui sommeillait en vous, prête à bondir et qui ne s’est pas gênée pour s’exprimer.
Le mec veut « un hôtel sympa »




Mais sympa comment ?





Moi : « sympa… c’est à dire… »




Le client (enthousiaste) : « ben… sympa !! »




Moi (pleine de doutes) : « ah oui… sympa… c’est à dire… sympa convivial ? sympa romantique ?… »



Le client (atterré par mes questions idiotes) : « sympa convivial mais romantique aussi… »



Moi (qui commence à me dire que le bout du tunnel est bien loin) : « c’est à dire… »



Le client (qui a compris que je suis du genre têtue) « enfin, surtout sympa convivial parce que romantique… j’y vais avec ma femme et ça fait bien 20 ans qu’on est à la colle, alors hein… le romantisme… » (le client fait un geste presque ordurier que vous faites semblant de ne pas voir). « L’idée, c’est aussi de rencontrer des gens, de se retrouver entre Français, mais dans un hôtel sympa ».




Eh bien, nous y voilà… Ce sera donc sympa-convivial et pas sympa-romantique, puisque le client ne regarde plus sa femme, qu’il est un gros beau-f’ qui veut des bonnes blagues d’un animateur lourdaud et des jeux apéritifs. Et quand il parlait de « pratiquer un peu les sports nautiques », c’est parce que Madame est un peu branchée aquagym.




Là, vous êtes trrrès agacée. Vous oubliez le joli boutique-hôtel à Maurice auquel vous pensiez, vous renoncez au combiné d’îles aux Seychelles sur lequel vous fantasmez, vous ignorez les suggestions de thalasso que vous prépariez en plan B (vous allez devoir attendre le client suivant pour appeler le joli José sous un prétexte fallacieux)




Note pour les agents de voyages débutants : ce qui est « sympa » pour vous n’est pas forcément « sympa » pour le client :



Un séjour dans un village-vacances très convivial et pas romantique du tout peut très bien correspondre à la définition du mot « sympa » pour certains clients à condition que ce dernier puisse jouer aux boules et que le buffet ne soit pas « avec des trucs bizarres qu’on connait pas ». (oui, figurez-vous que le « poulet tiède / frites molles », ça peut être très sympa)




Le plus important est la communication. On peut vite partir dans de mauvaises directions, et proposer un boutique hôtel raffiné au client qui ne jure que par les animations lourdingues.



Vous aimeriez ressembler à Bo Derek ou Romy Schneider ? Il trouve que « Zahia Dehar est ultra bonne »



Vous aimez le jazz ? Le client a le droit d’aimer Patrick Sébastien.




J’imagine la tête du chef de rang d’un restaurant de l’Amanpuri ou de la Résidence quand le client s’enhardira à faire tourner les serviettes… L’ambiance ? Comment vous dire ? Très sympa






Librement inspiré et plagié du blog http://www.estherbaruchel.com/ avec l’aimable autorisation d’Esther.







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