mardi 31 mai 2011

Il n'y a personne dans les agences ; franchement, qu'est-ce qu'on s'emmerde !




Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en ce moment, dans les agences, c’est quand même très très calme… je demandais l’autre jour sur ma page FaceBook à mes sœurs (et frères) agents de voyages si c’était pareil partout et il semblerait que la réponse soit « oui » : dans les plupart des agences de voyages, en ce moment, ça regarde le plafond…

C’est un peu pour ça que je n’ai rien écrit depuis plusieurs semaines. Raconter sa life d’agent de voyages, c’est bien gentil mais quand la seule chose qu’on a à dire, c’est « j’ai rien à dire », je pense qu’il vaut mieux prendre le parti de se taire (et Dieu sait que pour une fille volubile comme moi, se taire est une véritable souffrance).

Même l’actualité du tourisme est bien pauvre ! On a bien quelques faillites de TO à se mettre sous la dent, mais voyez-vous, l’enquête technique sur le crash de l’AF 447, ça nous passe un peu au dessus… On a certes tous suivi l’histoire des traces d’ADN (qu’en termes gracieux ces choses là sont dites) de DSK, mais c’est plus rigolo dans Match que sur TourMag !

Tiens, à propos des faillites des TO, j’ai une bonne nouvelle : pour entendre à nouveau la voix de velours de Fabrice de feu Longs-Courriers, il paraitrait qu’on pourrait téléphoner à la Française des Circuits… je n’ai pas eu le temps de vérifier l’info (qui me vient d’une copine) mais ma source est en général assez fiable... Je suis certaine que si elle est exacte, l’info ravira mes sœurs…

Mais franchement, qu’est ce qu’on s’emm… L’autre jour, ma copine Anaïs écrivait sur FaceBook « samedi, les premières personnes à rentrer à l’agence, c’était à 11h55 pour une brochure… et quand les premières se sont assises à mon bureau, il était 16h30 » (elle ferme à 17h…). Stephane remarquait même « qu’on n’attend même plus au téléphone chez Donatello et Asia » (c’est vrai ça, c’est un signe qui ne trompe pas !)

Toujours est-il que si on attend que le client daigne décrocher son téléphone pour nous appeler ou qu’il pousse la porte de notre agence, on ne fait pas avance le schmilblick. Pour faire face à la morosité ambiante dans mon agence, j’ai décidé de lancer un plan d’action en trois points :

1 – on se remotive en analysant la concurrence
2 – on revoit ses techniques de vente
3 – on va chercher le client là où il est et on lui donne envie.

Vous connaissez le vieil adage « quand je me vois, je me désole ; quand je me compare, je me console » ? Rien de mieux pour se remotiver que d’aller voir comment ça se passe ailleurs. Mardi, avec Jeff, on a écumé les agences du 1er arrondissement (on a failli aller dans un arrondissement à 2 chiffres de la rive gauche mais on a été découragés par l’ampleur de la tâche…). Ben les filles, je vais vous le dire tout de go : vous m’avez déçue !

D’abord, pas assez de considération pour le client : Chez Big-Boss Voyages, on fait attention à chacun : dés qu’un prospect entre dans l’agence, on le regarde, on lui sourit, on lui lance un « bonjour Monsieur » (par exemple… on s’adapte si c’est une dame…) et on se demande si on le connaît. Que ce soit un client fidèle ou un inconnu total, l’un(e) d’entre nous se lève pour aller à sa rencontre. On a genre deux secondes pour décider qui va s’y coller… si c’est un client fidèle, c’est celui qui le reconnaît… si c’est un inconnu, on a décidé d’une segmentation : les vieux intello, c’est pour Jeff ; les jeunes branchouille, Max ; les familles, moi… Sonia se colle les amoureux qui ont l’air perdus… Et quand on ne les connaît pas, on leur pose un max’ de questions pour essayer de deviner leur personnalité et leur manière de voyager…

Dans la plupart des agences où Jeff et moi sommes entrés, on nous a à peine regardés… les filles avaient l’air préoccupées par ce qu’il se passait sur leurs ordinateurs : parfois, j’ai reconnu des B2B ; souvent, FaceBook ou MSN ; le pire, c’est celle qui faisait une partie de solitaire (ça m’a donné envie de fuir, mais je me suis ravisée : avec celle-là, on allait sans doute rire… et ben je vous assure qu’on n’a pas été déçus !).

Après un moment d’attente en général assez court (air revêche de la vendeuse « bougez-pas : je finis un mail et j’suis à vous dans deux minutes » genre « c’est pas que vous me dérangez, mais j’ai quand même des trucs à faire »), on nous pose une question en général assez agressive genre « vous voulez aller où ? » ou « c’est pour quoi ? » et là, c’est à nous de jouer. La réponse : « un safari au Kenya et un séjour quelque part sur l’Océan Indien fin août/début septembre ». Joli dossier, non ?

Là, deux cas de figure : soit la fille demandait « où dans l’Océan l’Indien ? » (on t’a dit « quelque part » connasse, mobilise ton neurone et sois un peu force de proposition…) soit elle se levait pour aller chercher une brochure « Josie, il nous reste des Vacances Transat ? », la tournait dans tous les sens (la brochure, pas Josie) et bredouillait un truc genre « euh… alors, attendez ; qu’est ce que je vais pouvoir vous trouver ? Voilà ! » (air triomphant : elle doigte un programme, genre « ayez ! j’ai trouvé ». Et après ?)

Sur les 6 agences visitées, pas une n’a commencé comme j’aurais attaqué, moi. C’est à dire (dans n’importe quel ordre), rassurer ce petit couple sur ses choix « excellente idée, un safari », montrer que je connaissais la destination « j’adoooore le Kenya, je suis allée en safari là bas il y a 4 ans, c’est magique ! », m’intéresser à leurs motivations « qu’est-ce qui vous fait envie au Kenya ? », « et pourquoi l’Océan Indien ? », faire preuve d’empathie et les faire parler… amorcer un dialogue quoi…


Ensuite, forte de toutes ces infos, j’aurais demandé quelles étaient les îles tropicales qu’ils connaissaient, ce qu’ils attendaient de leur voyage… j’aurais sorti mon atlas (sans me lever, on ne lâche jamais le regard d’un client... c’est pour ça que mon atlas est à portée de main, sur mon bloc-tiroirs, sous le comptoir) pour leur montrer les itinéraires possibles, fait rêver en casant les noms des Big 5 et en parlant des paysages et des peuples, j’aurais pris des notes et j’aurais instauré un climat de confiance…

J’aurais aussi tenté d’identifier ce que faisait cette bombasse blonde et enjouée de 25/26 ans (allez… 27 à tout casser) avec ce fade bibliothécaire quarantenaire à lunettes à la peau fatiguée… mais c’est une autre histoire !

J’aurais demandé leurs 2 e-mails, leurs numéros de portable, leur budget, ce qu’ils aimaient faire en voyage… j’aurais dégrossi les programmes possibles, pris une option sur « les dernières places » qu’il reste sur le Paris/Nairobi du 22 août (« figurez-vous qu’on sera déjà en basse saison pour la compagnie aérienne », quelle aubaine !), leur aurais promis 2 ou 3 propositions d’itinéraires avec des estimations budgétaires « par e-mail d’ici ce soir si j’ai le temps, demain midi au plus tard » et leur aurais proposé 2 créneaux « pour vendredi ou samedi par exemple » le temps qu’ils prennent connaissance de mes suggestions et qu’ils y réfléchissent… « comme ça, vous me direz ce qui vous plait dans mes propositions et on en reparle concrètement [toujours caser le mot « concrètement », histoire de montrer qu’on est dans la réalité et le business, pas dans le conseil gratuit] en fin de semaine »

Non. A la place, on a vu des filles tripatouiller des brochures, bredouillé des « j’ai bien ça, mais bon… », on nous a donné des brochures « pour qu’on puisse regarder ça tranquillement à la maison » (on est en couple à 15h30 à mardi dans ton agence, tu crois vraiment qu’on a besoin de trouver un créneau « tranquille » ? Et puis là, c’est tranquille dans ton agence, non ? Vous êtes trois : toi, qui as l’air perdue, une grosse qui soupire en pointant de la paperasse et une qui jacasse au téléphone avec une copine)

Après, avec Jeff, on est allés débriefer dans le jardin des Tuileries, au soleil (j’avais mis une robe un peu courte, j’ai bossé le bronzage de mes jambes) avec un sorbet. On n’avait pas retenu exactement la même chose des visites d’agences et on a croisé nos impressions…

Mercredi matin, c’est Amandine et Sonia qui sont allées chacune de leur côté chercher l’une des propositions d’autotours au Mexique, l’autre, un séjour à Maurice pour son voyage de noces. (je les avais appelées mardi après l’expédition avec Jeff pour leur dire qu’il fallait faire des demandes assez ciblées parce que « Kenya + Océan Indien », c’était trop compliqué pour la plupart de nos consœurs…). Le debrief mercredi après-midi a été assez drôle… Surtout quand on a refait des jeux de rôle façon clients-mystère mais entre nous (Sonia qui jouait la vendeuse, a un peu dragué Jeff, mon soi-disant mari, devant moi… j’ai failli lui mettre une claque…)

Voilà… après s’être remotivées en allant voir des quiches et avoir retravaillé nos techniques de vente, jeudi et vendredi, on est passés à la troisième étape du plan d’actions : on a ressorti les listes des clients qui s’étaient inscrits en juin et juillet l’an dernier. On a transformé l’agence en espèce de centre d’appels de tueurs. Il fallait nous voir minauder, tous au téléphone « Bonjour, c’est Léa, votre agent de voyages », enchainer sur des questions positives genre « qu’avez-vous prévu pour cet été ? »…

Et toujours avoir réponse à tout : pas encore décidé ? « il est encore temps » (tu m’étonnes, il y a de la place partout) « j’ai justement des suggestions à vous faire ; vous avez un moment cette semaine pour passer à l’agence où vous préférez que je vous envoie nos derniers coups de cœur par la poste ? »

A ceux qui louent une maison dans le Périgord en août, rebondir : « super, vous allez bien vous reposer ! et puis, c’est tellement beau le Périgord… » (3 kilos sur les hanches). « bien sûr, ça manque un peu d’exotisme… je vais vous poster ce soir nos dernières découvertes pour des escapades au soleil en automne. On a trouvé des trucs a-do-rables ! » (tu m’étonnes… en mai, on a passé notre vie en éductours) « je vous laisse regarder ça tranquillement, et vous passez à l’agence la semaine prochaine nous faire un p’tit bonjour et nous dire ce qui vous a plu ? » (ça fera un peu de monde dans l’agence, et on sait bien qu’one boutique vide n’attire pas le chaland…)

Forcément, ces appels n’ont pas (encore) produit de chiffre (en mai, c’est vraiment la cata) mais on va essayer de sauver ce qui peut encore l’être… Parce que franchement, les advance-bookings de juillet/août, c’est à pleurer !

Et chez vous, c’est comment ? Tranquille ?

lundi 2 mai 2011

Les jours de Longs Courriers seraient comptés et Léa ne sait pas quoi en penser.

Je ne vois toujours pas l’intérêt des TO qui ne sont que de simples assembleurs de prestations. Il faut vraiment m’expliquer la fameuse « valeur ajoutée » des TO qui se contentent d’additionner un vol et des prestations proposées par un réceptif (ou pire, le prix d’un vol et celui d’un hôtel). Nous (les agences de voyages) faisons ça très bien toutes seules (il faut dire que les clients font aussi ça très bien tous seuls, alors les enfants… il a bien fallu savoir s’adapter…)

Chez nous, la part de « fabrication » dépasse les 50%. On devient notre propre TO en assemblant des billets d’avion, des nuits d’hôtels et locations de voiture avec des prestations proposées par des réceptifs (ou plus simple : proposées par les hôtels en direct…)

Là où les TO sont incontournables, c’est quand ils affrètent. Ils affrètent tout ou partie d’un vol, ils rachètent un hôtel et l’adaptent en fonction de leur charte… Le produit devient « unique ». Le client réclame « le vol direct au départ de sa région » (c’est une copine de Montpellier qui m’a expliqué ça… parce que nous, à Paris, on n‘a pas ce genre de problème…) ou choisit de passer ses vacances « dans un club Marmara / un Lookéa / un club Olé » avant même de préciser s’il veut aller aux Baléares ou en Sardaigne…

Bémol (quand même… Léa met parfois de l’eau dans son vin…) : Là où je trouve les TO indispensables, c’est quand ils sont capables de négocier en fonction de leur volume et/ou d’apporter un vrai travail de facilitateur. Il y a deux ans, Amandine avait passé une semaine en Islande et elle nous avait bien briefées sur la destination. On avait pris le pari de vendre des autotours. Ça a très bien marché… Après consultation de réceptifs, on a renoncé à fabriquer nous-mêmes sur la destination :

Le tour opérateur avec qui nous travaillons nous accorde 5% de commission sur les tarifs publiés des vols (je lui souhaite d’avoir négocié une commission supérieure avec Icelandair…) et même s’il ne nous accorde que 10% sur les prestations terrestres, ses tarifs de location de voitures sont inférieurs à ceux proposés en directs ou par les réceptifs. Même chose pour les fermes-auberges référencées : elles ne sont pas plus chères que si on les achète par un réceptif… et on fait un paiement global en € (et pas en ISK… oui, la couronne islandaise s’abrège ISK, figurez-vous…) en bénéficiant de la garantie d‘un TO…

Cela dit, on ne vit pas avec les 5 à 10 forfaits Islande qu’on vend chaque année.
Revenons-en à nos moutons : LONGS COURRIERS.

Grande amoureuse du Kenya,
je ne peux rester insensible au dépôt de bilan de ce tour-opérateur qui a beaucoup fait pour la destination en lançant une brochure dédiée et en proposant de nombreuses formules (certes très classiques) complètes.

Flash-back : le concurrent de LONGS COURRIERS avait toutes les raisons d’être l’ennemi de toute la profession : il attaquait le marché avec des tarifs ridiculement bas basés sur des hébergements dans des hôtels en ruine, sales et proposant une nourriture douteuse… et proposait des mini-safaris « dans des réserves privées » (des zoos, quoi…). De plus, il avait inventé le concept du « rien inclus » (en particulier, les droits d’entrée dans les réserves en question). En gros, avec ce TO, un dossier = un litige. On ne tire pas sur une ambulance, mais ce TO a disparu de la circulation, ce qui est regrettable pour les Kenyans (quoi que… aux dernières nouvelles, le personnel n’était pas payé…) mais qui représente une excellente nouvelle pour la profession et la clientèle.

Là où Longs Courriers était très fort, c’est qu’on pouvait trouver chez eux des safaris GIR basés sur du transport en minibus de 6/8 sièges. GIR = pas cher puisque le coût des minibus est mutualisé…En plus, la production était simple (genre : 10 itinéraires au total) ce qui permettait d’avoir des coûts assez limités (pas besoin de payer des forfaitistes ou des équipes entières à la saisie pour recalculer toutes les prestations à chaque fois : tu prends ce qui est dans la brochure, et si tu n’es pas content, tu vois avec un sur-mesuriste).

Certaines promotions bizarres (genre « vol Kenya Airways gratuit ») avaient mis la puce à l’oreille d’Isa’ qui nous avait interdit de proposer les produits de Longs-Courriers à la vente depuis plusieurs mois. Isa’ estimait que Longs-Courriers faisait de la « cavalerie » (= payait les factures arriérées avec les acomptes des clients futurs) et selon elle, ça ne pouvait pas durer éternellement (cette fille est un peu rude et manque parfois de finesse, mais son jugement n’est pas souvent idiot)

Soyons sérieux : est-il raisonnable d’« animer le marché » avec ce type de promotions ?

Deux solutions :

- Kenya Airways a tellement modifié sa programmation de vols cet hiver (vols annulés, changements de rotations, vols de jour transformés en vols de nuit) qu’elle aurait pu décider de réparer le préjudice subi par Longs-Courriers en accordant des sièges gratuits sur des vols vides,…

- Longs-Courriers aurait négocié un tarif à l’année en fonction du nombre de sièges vendus dans la saison avec engagement sur volume. Un chef de produit de TO m’a expliqué ça un jour en éductour. Exemple : « tu me donnes un prix de vol à X € sur la base d’un « engagement moral » de ma part de 1000 billets. Si je fais 1300 A/R dans l’année, tu me rétrocèdes 3% en fin d’année ; si j’en fais 1500, tu me rétrocèdes 5%, si j’explose mes scores et que je double ma production, tu me rétrocèdes 10% du volume annuel… ». C’est clair qu’avec ce calcul, le TO a tout intérêt à faire des promotions pour atteindre son objectif… mais c’est la catastrophe s’il échoue près du but… Après tout, Longs Courriers aurait pu jouer avec le feu et s’être brûlé…

Il y a quelques mois, TourMag débutait un article qui commentait la faillite de Best Tours par cette phrase : « à chaque fois qu’une agence de voyages traite en direct avec un réceptif, elle doit se demander si elle ne tue pas un TO de taille moyenne et ainsi, contribue à la bipolarisation du marché ». Je ne m’estime pas responsable de la faillite de Longs-Courriers.

Les safaris étaient de qualité et bien construits. Le rapport qualité/prix était excellent. Fabrice à la résa (ah… Fabrice… efficacité, rapidité, voix de velours et tournés de phrase délicieux…) était un vrai pro’ si on avait besoin de conseils… mais j’ai suffisamment vendu Longs-Courriers pour déplorer

- un partenaire aérien fantaisiste (comment accepter la programmation aléatoire de Kenya Airways qui ne cesse de modifier ses plans de vols ?)

- un vrai problème de choix dans la programmation hôtelière « plage » (comment se limiter à ces gros porteurs alors qu’il existe tant de jolies choses à Mombasa, Lamu et Zanzibar ?)

- un service commercial inefficace pour régler des réclamations simples (malgré l’enthousiasme des différents directeurs commerciaux qui se sont succédé, il semble que la direction ne leur laissait pas grande latitude…)

Je reste fidèle à mon principe : vendre des tour-opérateurs commence à être dangereux pour les distributeurs. Si j’avais vendu Longs Courriers pour les départs de cet été au lieu de mon réceptif kenyan adoré, je me retrouverais avec 36 pax à reprotéger… et j’ai assez de soucis comme ça pour me réjouir de construire mes itinéraires au Kenya toute seule…