dimanche 27 novembre 2011

Le surmenage, l'un des risques du métier d'agent de voyages

























Depuis la rentrée, ma vie a changé… oui, je vous l’avais déjà indiqué dans un post fin septembre : avec Big-Boss et toute l’équipe, on a pris des bonnes résolutions…

1 – on a étendu l’amplitude horaire de l’agence

L’agence est désormais ouverte de 9h à 20h du lundi au vendredi et de midi à 18h le samedi. Vous avez bien compté : ça fait 61 heures par semaine… Comme on ne bosse pas 61 heures par semaine, on s’est organisés en deux équipes : la plupart en horaires « normaux » (en gros, 9/18 du lundi au vendredi) et une équipe « soirs et week-ends », qui ne travaille pas le lundi (théoriquement…) ni le matin et qui assure le samedi.

Je fais partie de l’équipe « soirs et week-ends » et je vous assure que ça me plait beaucoup ! D’abord, parce que j’ai l’impression d’avoir un long week-end : le samedi soir, à 18h, j’attaque les sessions mojitos avec les copines, et j’ai jusqu’au mardi midi pour m’en remettre…

Bon… j’ai quand même travaillé presque un lundi sur 2 ces derniers mois… mais du coup, j’accumule les récup’… J’en prends la semaine prochaine (je pars à Maurice visiter des hôtels…) et je sens qu’il va falloir que j’aille me rendre compte par moi-même de la situation météo en Thaïlande en janvier ou en févier… (on n'a pas des métiers faciles)

Pour assurer l’ouverture de l’agence 61 heures par semaine, il faut mobiliser toutes les forces vives de l’agence. On a expliqué à Big-Boss qu’il était hors de question qu’une fille reste toute seule au comptoir… (avec tous les psychopathes qui trainent dehors…) et comme c’est Amandine et moi qui fermons le soir, dés qu’il en manque une des deux, Big-Boss reste avec nous jusqu’à la fermeture. Et il vend ! Il n’avait pas reçu un client depuis des années et ça fait plaisir de voir qu’il est dans le même bateau que nous. Tant de patrons se plaignent que les agents « ne savent pas vendre » alors qu’eux, ne voient jamais un client…

2 – on concilie vie perso et vie privée

Du coup, comme je ne suis pas à l’agence le matin, je me suis remise au sport. Dés potron-minet, (quand j’ai le courage de me lever…) je fonce au Club Med Gym courir sur un tapis, pédaler, frapper dans des putching-balls ou lever des trucs en fonte. Je pourrais écrire « le guide du Routard des Club-Med Gym de Paris » d’ailleurs… Il m’arrive aussi d’y aller le soir, surtout quand j’ai eu des clients pénibles. Ça défoule. Le matin, il n’y a pas grand monde… Le soir, y’en a beaucoup mais ça me permet de me rincer un peu l’œil sur des mecs qui transpirent… Certes, l’orientation sexuelle que laissent supposer les regards qu’ils s’échangent ne laisse guère de place à l’équivoque, mais ils ne peuvent pas m’empêcher de les regarder. Du coup, ça me motive…

Faire du sport, ça fait un bien fou. Tant de filles m’expliquent qu’elles enchainent chaque jour dépose des gnomes à la crèche/à l’école + courir à l’agence + faire un shopping rapide à l’heure du déjeuner + déjeuner sur le pouce + récupérer les gnomes + devoirs/bains + pas grand chose parce qu’elles n’ont plus la force… Bon, OK, « les enfants », pour moi, c’est mes neveux 3 jours par an (mon Dieu, je ne vous ai pas raconté que je les ai emmenés à Disneyland Paris pendant les vacances de la Toussaint ? un cauchemar… et j’ai mis 8 jours à m’en remettre…)

S’aérer la tête, se défouler, prendre le temps de faire des trucs sympa, ça devrait être remboursé par la sécurité sociale ! (penser à demander une ordonnance « mojitos 2 soirs par semaine » à mon gentil docteur et essayer d’envoyer une demande de remboursement à la sécu. Sur un malentendu, vous ne croyez pas que ça peut marcher ?)

3 – on communique comme des fous (Big-Boss adore tripatouiller son système de CRM) et ça fait rentrer des clients à l‘agence (je ne vais pas non plus vous expliquer toutes nos petites ficelles…). De mai à septembre, ça avait été assez mou, mais ça s’est bien accéléré en octobre. Et puis en novembre, c’est l’explosion ! Il y a encore (presque) partout de la place à Noël (cher…) et les mois de janvier et février s’annoncent chez nous excellents… il y avait intérêt parce qu’il y toujours des baisses au moment des élections…et on a 2 tours de présidentielles et 2 tours de législatives entre avril et juin… Donc, il faut « assurer nos arrières ».

4 – on prend du plaisir à bosser.

« la belle affaire », vous êtes-vous écrié. « On fait comment pour s’éclater dans notre job avec la mollesse du marché, les clients stressants, les révolutions et les catastrophes naturelles ? ».
Je sais, c’est pas facile tous les jours… revoyez le point 2 : on n’est pas (que) des machines à bosser ! si vous ne vous préservez pas des moments « pour vous », sachez que vous courez à la catastrophe… Je ne saurais que vous encourager à bouger votre corps et à respirer le bon air.

5 – les malheurs de Jade.

Je vais vous raconter la récente mésaventure (avec son aimable autorisation) de ma « copine » (je ne la connais que via FaceBook) Jade, qui travaille dans une agence en PACA.

Jade adore son boulot, elle est impliquée et fait preuve de la plus grande empathie envers ses clients. Pour résumer, disons quelle prend « sa mission de vendeuse de bonheur » très à cœur.
Que la première qui ne s’est jamais réveillée au milieu de la nuit parce qu’elle a « oublié de préciser à Madame Machin qu’il fallait un passeport personnel pour sa fille » ou qu’elle a écrit sur son sous-main « confirmer l’option des clients Truc » qui tombait le soir-même, mais qui est partie de l’agence sans jeter un coup d’œil au sous-main, me jette la première pierre…

Jade a 42 ans. C’est dire si elle n’est pas une gamine… Elle a été guide-accompagnatrice et depuis 10 ans, elle est agent de voyages. Elle aurait pu être avocat ou assistante sociale. Elle m’a raconté pendant des heures l’histoire de ce père de famille divorcé (qui ne voit pas bien souvent sa fille) à qui elle avait vendu des billets Nice/Londres/NYC : vacances de rêve pour la petite fille en question avec son papa, sa tante (la sœur du papa) et sa cousine. Enregistrement facile à Nice et le client (le Papa) reste bloqué à Londres pour une sombre histoire de photo de passeport légèrement décollée. Les filles sont parties à NYC, la papa est resté coincé à Londres avec son passeport moisi refusé par les autorités US à Londres et la valise Hello Kitty de sa fille… Jade en était malade et a pleuré plus que toute la famille réunie…

Jade dit que « tu fais bien ton travail et un événement extérieur vient tout gâcher : un attentat, un volcan, une grève, un ouragan, des inondations... »

Le 18 octobre, Jade est rentrée chez elle à 20h30, épuisée de toujours vouloir « faire mieux que mieux » (le fameux « service clients ») avec une tête grosse comme ça. Crise. Elle reste prostrée.





Son mari appelle le 15. Le 15 envoie SOS MEDECINS. Diagnostic : spasmophilie... Le médecin n’a même pas cru à quel point le métier de Jade était stressant. Sans doute cachait-elle quelque chose au médecin… 3 jours d’arrêt-maladie et 8 jours de vacances : Jade part à Disneyland Paris avec son fils (elle y était peut-être le même jour que mes neveux et moi…). Space Mountain, l’ascenseur....tout ca 8 jours après avoir subi un AVC… (oui, Jade a subi un AVC, mais elle ne le savait pas encore…)

Retour à l’agence. Toujours aussi crevée. Grève Air France. Nouvelle crise. Encore une fois, les médecins diagnostique de la spasmophilie. 5 jours plus tard, nouvelle crise. Urgences. Diagnostic : stress et spasmophilie. Nouvel arrêt. Jade se rend compte aussi que son élocution n’est plus la même depuis 8 jours.

8 novembre, retour à l’agence. Première vente de la journée : une croisière Costa. Jade décroche son téléphone. Elle s’annonce et puis… rien. Plus aucun son ne sort de sa bouche qui s'est mise à sedéformer. Heureusement pour elle, Jade travaille en centre commercial et un secouriste n’était pas loin. Premiers secours. 15. Les pompiers arrivent. Hôpital. IRM, prises de sang, scanner. Exams dans tous les sens. Transfert en service neurologie. Jade ne boit pas, ne fume pas. A 42 ans, un AVC, c’est pas normal.

Le médecin prescrit un « repos complet ». Elle ne doit plus stresser ni penser au travail... Aujourd’hui, Jade, déclare pourtant « je pense à mes collègues, à mes clients et à cette joie [qu’elle a] à vendre du bonheur ». Jade pense… fait du yoga… et se promet que si « elle a la chance de reprendre » son travail, elle fera moins d’empathie, ne jouera plus à la psy et se mettra dans une bulle bleue quand ses clients lui raconteront leurs petits malheurs.

Jade conclue la conversation par un positif « on fait le plus beau métier du monde : marchand de rêve, psy, complice ami, on ressent tout lorsqu'on arrive à savoir ce que désire son client ». Elle se compare à un médecin : « comme lui, je suis derrière un bureau, je pose les bonnes questions, je fais un diagnostic, et mes ordonnances sont des carnets de voyages ... »

En attendant son rétablissement, j’envoie des bisous magiques à Jade et je file chez mon doc… pour qu’il me prescrive du mojito pour oublier mon quotidien de vendeuse de rêve…


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