jeudi 19 avril 2012

Coralie a encore un polichinelle dans le tiroir

Elle avait l’air vraiment moisie crevée… J’avais mis ça sur le compte de l’hiver qui n’en finit pas, de la longue bronchite de son horreur de petit Melvil, des clients relous qui ne savent pas ce qu’ils veulent, du temps passé dans les transports depuis qu’elle a déménagé à dache-en-banlieue si loin… et puis, il y a trois semaines, comme je ne suis pas si cruche, quand même... j’ai compris.

C’était un samedi. Coralie et moi étions toutes les deux punies de permanence. Comme je m’étais levée tard, je n’avais pas pu prendre un vrai brunch avant d’aller travailler : à peine le temps de me caféiner, de prendre un croissant et un peu de vitamine C. Pendant que je sautais sous la douche, Nico m’avait préparé un petit panier « sushis, smoothie, chocolat, pomme » pour que je tienne le coup jusqu’au soir. Je suis arrivée ce jour là à l’agence, en retard, haletante et les cheveux fous.

Je ne rentre pas dans les détails de la matinée car je suis une fille de peu de mots... 15 heures. Fringale. Je m’isole 5 minutes dans notre micro-cuisine pour aller avaler mes sushis, en remerciant le ciel de m’avoir fait rencontrer un garçon aussi prévenant que mon Nico.

« - je t’en ai gardé deux
- non, merci, c’est gentil, mais je n’ai pas très envie».

Je connais Coralie depuis 4 ans. C’est la première fois que je la vois refuser des sushis. J’ai mobilisé mon neurone et je me suis concentrée. L’air fatigué, le teint blême, le cheveu pauvre, le refus de manger des sushis… je crois bien que j’ai compris !

J’en ai eu le cœur net à la fermeture. Le chéri de Coralie devait passer la prendre vers 19h et on n’avait pas du tout envie de rester à l’agence après 18h alors que l’après-midi avait été chiant comme chaque samedi à l'agence tranquille et qu’on n’avait pas de retard dans nos cotations.

« viens, on va boire un verre en face en attendant ton chéri ». On s’installe et je commande comme d’hab’ deux mojitos (le week-end, on a le droit de boire tôt…) « non, non » corrige Coralie « je vais prendre un thé citron ».
 
Raide comme la justice, je l’ai regardée dans les yeux, façon « tu m’as trahie ». Là, le rose lui est monté aux joues et a elle ajouté, complètement paniquée d'êtr obligée de me l'annoncer un peu embarrassée « ben quoi, j’ai froid… ».

Ben voyons. Tu dédaignes mes sushis, tu as froid dans ce bar surchauffé et maintenant, tu refuses un cocktail. Tu me prends vraiment pour une idiote ?

Elle est passée de rose à rouge. Son visage s’est ensuite éclairé pendant que le mien se décomposait. J’avais vu juste : Coralie a à nouveau un polichinelle dans le tiroir. D’après les savants calculs de son médecin, la date de conception de celui que nous appellerons désormais Alien II le futur bébé (en attendant qu'elle lui donne un nom aussi improbable que Melvil), c’est le 22 janvier. Et là, Coralie a pouffé « le dernier jour de l’année du lapin ».

Alors… je trouve que les enfants c’est adorable (de 2 à 6 ans… avant, ça ne sert à rien et près, ça devient tout de suite des espèces de pré-ado débiles), il faudra bien que quelqu’un paye ma retraite, mais de là à se reproduire comme des lapins, ça va bien…

J’ai compté sur mes doigts. Terme le 22 octobre, congés mat’ du 1er septembre à mi-janvier… juste l’horreur. Coralie ne vendra pas les vacances de la Toussaint, Noël et les mois de janvier/février/mars… presque les mois les plus importants sur l’Asie, les Caraïbes et l’Océan Indien, les destinations où Coralie excelle.

Je devrais me réjouir de la maternité de ma collègue, je réagis en cadrette-manageuse… j’ose l’avouer même si je suis jeune et féministe : les congés mat’, c’est dur à gérer pour l’équilibre d’une équipe… mais j’ai eu ma petite larme… les bébés, c’est diabolique magique. De là à installer une pouponnière chez Big-Boss Voyage, il y a un pas que je ne suis pas prête à faire…

Coralie m’a fait promettre de garder le secret. J’étais toute perturbée devant mon mojito (Coralie avait l’air d’une espèce de chose moisie maladive en sirotant son thé) mais je n’ai rien dit. Je vous promets : j’aime tellement qu’on me confie des secrets que je suis vraiment capable de me taire ! Coralie a attendu encore deux semaines pour faire une déclaration officielle à Big-Boss.

Et ni une ni deux, Big-Boss nous convoque, Isa et moi à une réunion off-site. (je traduis : on bouge nos fesses jusqu’à un endroit improbable loin de l’agence pour se concentrer sur un sujet donné). Ça doit encore être un truc de son coach. Pour qu’on puisse laisser exprimer le côté marketing de nos cerveaux (mon dieu, où va-t-il nous trouver ces expressions ?), il nous a donc isolés tous les trois dans une espèce d’hôtel de luxe design avec des salles de réunion trop climatisées à Pernety.

Vous ne savez pas où est Pernety ? Rassurez-vous : personne ne sait où est Pernety ! Je vais vous expliquer : c’est à dache dans le quatorzième arrondissement. On n’y va jamais et on sait pourquoi ! Depuis chez moi, il faut changer 2 fois de métro et terminer par la ligne 13 ! Un cauchemar…

Surtout que Big-Boss nous a dit : « on se retrouve dés 8 heures pour le petit dej là bas… Comme ça, on attaque encore frais ! ». alors moi, je ne suis pas fraiche avant 10h ! C’est ainsi que je me suis levée à 6h15 et que j’ai pris le métro à 7h pétantes pour aller à Pernety (mon Dieu, coment chéri, ce héros interplanétaire, fait-il pour se lever à 3h30 quand il bosse sur le premier vol ?)

Le sujet : comment on s’organise pendant le congé maternité de Coralie ? En intro, Big-Boss nous explique qu’il ne veut pas embaucher. L’hallu ! il a pris des feutres de toutes les couleurs et a calculé en équivalent-plein temps. « on peut s’en sortir ». Comment ? Sonia bascule 100% tourisme avec Amandine et moi, Isa soulage Max aux sociétés, Big-Boss assume les groupes à la place d’Isa. Les chaises musicales…

Sauf qu’ouvrir le comptoir 61 heures par semaines à 3, en ayant la certitude de ne pas laisser une fille toute seule, je ne sais pas faire… même avec les heures supp magiques de Big-Boss.

Je me suis décidée à faire mon coming-out : « j’ai un amoureux qui travaille juste 70 ou 80 heures par mois (même pas la moitié de mon temps de travail à moi) sur un rythme de 6 jours de boulot / 3 jours de congés et je veux passer du temps avec lui… alors les heures supp, ça m’intéresse moins qu’avant ».

C’est comme si j’avais lâché une bombe. Je crois que Big-Boss m’a alors imaginée enceinte… je l’ai vite rassuré… pas question de faire un bébé avec Nico qui est à peine majeur un peu jeune, en CDD et que je ne connais que depuis 2 mois... (enfin, 6 semaines…)

Bref… on a tourné le truc dans tous les sens et ça a donné ça : on n’ouvre plus qu’à 10 heures le matin au lieu de 9h… Sonia ouvre, Amandine et moi bossons en alternance de 10h à 20h ou de 12h à 20h et on prend chacune une journée de récup par semaine en fonction des jours off de Nico.

J’ai arraché une concession à Big-Boss : les filles et moi, on se concentre à fond sur le contact clients mais on embauche un petit contrat de qualif’ ou un espèce de secrétaire pour les bases besognes calculer les cotations, taper les programmes et les mettre en forme.

Sauf que du coup, ça veut dire que de septembre à janvier, on est un très très mal pour les éductours, les formations et les vacances, et qu’il n’est pas question de tomber malade. Et j’ai déjà écrit « vacances » sur l’ensemble du mois de février 2013 pour m'en remettre ! Comme sur les deux prochaines semaines d’ailleurs… je vous donne rendez-vous le 9 mai. Si vous êtes sages, je vous enverrai des cartes postales de Jordanie et d’Israël ! et qu’on ne me parle pas d’enfant d’ici là…


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