samedi 29 septembre 2012

Je vais t'en mettre, moi... de la désintermédiation...

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais à Top Résa, il y avait une ambiance de mort bizarre. Officiellement, 28 788 professionnels ont visité le salon, ce qui revient à dire que la fréquentation a augmenté de 3,7% par rapport à la dernière édition.

Et moi, je vais vous balancer le scoop du siècle : il y en avait au moins un autre !

Le schtroumpf à lunettes Jeff est allé à Top Résa le mardi et le soir, il m’a donné son badge. Du coup, mon Nico chéri est allé à son premier Top Résa mercredi sous une fausse identité (celle de Jeff). Alors, les organisateurs ne le savent pas, mais un 28 789ème visiteur s’est discrètement infiltré ! Et il ne voulait pas faire des affaires : juste trouver du travail…

Malgré cette officielle augmentation de la fréquentation, j’ai entendu bien des exposants se plaindre que cette année, « quand même, on ne voit pas beaucoup d’agents de voyages ». Ah ben tiens… certains m’ont dit que Top Resa étaient devenu une espèce d’intermarché où les exposants se parlaient entre eux pour passer le temps et que parfois, ils faisaient commerce entre eux… Beaucoup de boss d’agences étaient absents, et nous, les petites agents de voyages blondes ? Où étions-nous ? Dans ton c....

La réponse tient en peu de mots. Nous étions assises sur nos c... derrière nos comptoirs et nous essayions de traquer le client. Et un peu partout, l’effectif est tendu. Très tendu… alors comment quitter le comptoir quand on est si peu nombreux à assurer dans les boutiques ? Par exemple, moi, je n’y suis allée que le mercredi (au prix d’une longue veillée à l’agence le mardi pour respecter mes deadlines) alors que toutes les autres années, j’y passais 2 jours complets.

Quand on ne passe qu’une journée à Top Résa, il faut faire des choix draconiens. Qu’y voir ? Que faire ? Comment organiser sa journée ?

On sait bien que ça n’est pas à Top Résa qu’on fait des affaires et mes fournisseurs préférés viennent de toute façon à l’agence la semaine qui précède ou celle qui suit le salon pour bosser « concrètement ».

Alors telle la fille un peu frivole que je suis parfois, je suis juste allée fureter sentir les tendances. Concrètement, ça consiste à aller nez au vent dans les allées, faire des bisous hypocrites  à des gens que je déteste à gauche à droite, croiser les copines et écouter les pétasseries. Pas très productif ? Que nenni ! Promis, j’ai appris plein de trucs. Et comme je suis ton amie, je vais te raconter les derniers ragots du secteur les faire partager.

Concrètement, et il faut se l’avouer sans faux semblant. Ça pue. Partout. Sur tous les segments, y’a des problèmes. Agences distributrices, TO, réceptifs, tout le monde se regarde en chien de faïence, la défiance est totale et chacun attend que l’autre fasse un faux pas pour pouvoir revenir sur ses engagements en accusant l’autre d’avoir triché en mode « maitresse, c’est lui qui a commencé ».

En fait, « celui qui a commencé », c’est le client. Le client ne vient plus nous voir, il surfe sur internet, est à l’affût des meilleurs plans, hésite, consulte, compare et après moult tergiversions, il se décide et réserve. Sur un site web plus ou moins marchand. Et après plusieurs échanges d’e-mails quand même « pour être sûr de son choix ».

Les mauvaises langues diront « si le client va sur le web chercher ses voyages, c’est parce que son agent de voyages n’arrive pas à le faire rêver ». Les avocats des diables agents de voyages rétorqueront « c’est parce que les TO ne sont pas assez souples et innovants ». Bref, le sport national, c’est de jeter la pierre dans le jardin de son voisin.

La dernière idée révolutionnaire à la mode, c’est de dire que l’avenir, c’est la vente en direct des réceptifs aux clients. Avant, il y avait deux intermédiaires (le réceptif vendait au TO qui revendait aux agences qui distribuaient aux clients). Désormais, le TO vend en direct ou l’agence produit via un réceptif. Et demain ? Les réceptifs convaincront les clients de se passer des intermédiaires ?

Pas certain ! Parce qu’avoir de la visibilité, pour les réceptifs, c’est pas facile. Alors ils s’organisent. Le truc à la mode, c’est les fédérations dégueulasses hors la loi de réceptifs qui se regroupent entre eux pour pénétrer le marché en présentant une offre globalisée et mondiale. A ce demander ce que font le SNAV et Atout France pour tolérer ce paracommercialisme. Tu n’as pas tout saisi ? Relis et pèse chaque mot. Si tu as un peu de jugeote, tu t’exclames « mais, les agences, elles peuvent faire ça ! »

Non, stupide créature blonde et crétine. Les agences n’ont plus de client. Alors les réceptifs vont les chercher (les clients). via des intermédiaires dégueu' plus ou moins douteux de « mise en relation ». La belle affaire ! Encore des marketeux vaniteux comme des chefs de produits de L'Oréal qui vont faire des analyses de tendance pour impressionner des entrepreneurs en mal de clients. Des gens qui ont fait des études et qui sont capables de te faire des présentations en 3 dimensions…

Je te résume le concept : le client croit que les agents de voyages achètent au même prix que ce qu’il est capable d’acheter tout seul. Alors il passe des heures sur le net à chercher des bons plans. Il tombe sur une espèce de plate-forme de réceptifs. La plate-forme en question va chercher le client en dépensant des fortunes en achats de mots-clefs sur Google. (on appelle ça de « l’acquisition de trafic » et ça coûte très cher). Le client-voyageur va construire son itinéraire avec l’assistance de « l’agent local », poser 36 questions, négocier avec un forfaitiste  payé 200 $ pauvre hère illétré perdu au bout du monde.

La plupart du temps, le client va recevoir une cotation moisie écrite avec le pied gauche proposition et consulter un agent de voyages pour vérifier la bonne tenue de son itinéraire « vous en pensez quoi ? ». (ben oui, les clients savent qu’en général, on sait de quoi on parle…)

Moi, quand j’ai ce genre de demandes, je prends un air dégoûté « mon Dieu, il parle français celui qui vous a pondu ça ? » et après, je feins l’évanouissement « mais il veut vous faire dormir dans des cabanes à cafards en plus ? » et je termine par une grimace repoussante « jamais je n’oserais proposer ce genre de chose à quelqu’un de convenable » pour rebondir sur un très positif « recommençons à zéro ; qu’attendez-vous vraiment de ce voyage ? ». Ben oui, le client est là, face à toi, tu ne le laisses pas partir… Charge à toi ensuite de le ferrer…

Depuis des années, je crée mes itinéraires toute seule, avec l’appui logistique de « mes » réceptifs. Je rachète des produits finis aux TO que lorsque les voyages en question sont chartérisés ou labélisés. On appelle ça la « valeur ajoutée » non ?

Ma valeur ajoutée à moi, c’est de proposer toute l’offre et de la segmenter par rapport à ce que recherche le client. Le client veut un vol direct et un club sans surprise ? Je réserve sur le site B2B d’un TO un package qui comprendra, outre le vol charter, un transfert groupé et un club « all inclusive ».

A Top Résa, je suis même allée voir le stand de la vilaine compagnie orange qui a licencié mon Nico en juillet. Elle rechignait à être distribuée en agence ? Elle continue d’écrire sur ses boarding-pass « réservez en direct pour éviter les frais cachés des intermédiaires » ? Si elle est désormais affichée en GDS, c’est qu’elle a envie de travailler avec nous, non ? Alors écoutons ce qu’elle a à nous dire.

Mais la phrase la plus intéressante que j’ai entendue de ma journée à Top Résa, c’est celle d’un des réceptifs avec qui je travaille. Il se plaignait qu’après un an de collaboration avec une plate-forme de mise en relation clients-réceptifs, il n’avait concrétisé que 1% des demandes reçues et qu’il avait dû mobiliser des ressources humaines pour traiter un volume considérable de demandes non-qualifiées.

1% de demandes abouties alors qu’il annonce 25 à 30% de concrétisation sur les demandes des agences de voyages, c’est comment dire du temps perdu « un peu time consuming ». Du coup, il a cessé toute collaboration avec cette plate-forme moisie de mise en relation. Et il a réaffecté ses ressources au B2B.

Ça m’a donné une idée : si les 14 000 agents de voyages de France se mettaient à inonder ces regroupements de réceptifs : « Vous me conseilleriez quoi ? La grande boucle avec immersion dans les minorités ethniques ou le circuit classique ? Et pour l’hébergement, vous auriez quoi d’autre avec un peu d’animation ? Et vos véhicules, ils ont quel kilométrage ? Vous êtes sûr que c’est la bonne saison ? Vous pourriez me mettre une option pour un mois le temps que je me décide ? Un petit geste commercial ? Sinon, j’ai vu sur internet que cet hôtel n’a pas très bonne réputation, vous le connaissez, vous ? »

Voyons le bon côté des choses ! Vous pouvez ainsi avoir une vraie formation destination par un « agent local expert » bien plus concrète que dans un e-learning d’office de tourisme, vous aurez des exemples d’argumentation sur tous les pays du monde, recueillerez des photos magnifiques. Vous ne connaissez pas ces plates-formes ? Cherchez dans Google « agent local », « réserver voyage en direct », « voyage sans intermédiaire » ou des choses comme ça. Vous allez trouver votre bonheur.

Et si on s’y met à plusieurs, on fera encore baisser un taux de concrétisation ridiculement bas, ce qui achèvera de convaincre les réceptifs sérieux de bosser avec ces boites dégueu’. Last but not least : on assurera un revenu maximum à Google qui continuera à nous envoyer des petites cartes « obtenez de nouveaux débouchés commerciaux : 75 € offerts sur votre première campagne » ce qui donnera de la visibilité aux ventes de nos fringues d’occas’ sur leboncoin ou ebay.

« A chaque chose malheur est bon » disait ma grand-mère. Alors si on peut décourager ces néo-concurrents tout en apprenant et en s’amusant, ça peut être du temps utilement dépensé !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire