vendredi 12 octobre 2012

Léa va te piquer ta clientèle friquée


Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en ce moment, on ne parle que de voyages au rabais, de bons plans, d’offres discount, de promo et de bonnes affaires. Et ben franchement, quitte à passer pour une râleuse, ça me saoule. N’importe qui achète n’importe quoi, et surtout, le revend à n’importe qui à n’importe quel prix !

Il faut trouver le client où il est. On est d’accord. Mais pas à n’importe quel prix.

Il y avait un temps heureux où les gens qui voulaient partir en vacances allaient dans une agence de voyages. Qu’elle soit dans la rue, sur le web ou dans un centre commercial, c’était simple : elle venait. Maintenant, il faut savoir la provoquer, la chercher avec les dents l’interpeller.  

Parce que désormais, les gens achètent leurs voyages n'importe où : dans leur CE, chez leur assureur ou leur banquier, sur des sites web de ventes plus ou moins privées, via des comparateurs, dans des journaux ou sur des plates-formes de réceptifs bizzaroïdes. Bref, les clients s’engagent auprès de quelqu’un qui ne sait pas de quoi il parle, mais qui leur promet un « bon plan ». 

Demain, ils achèteront sur Facebook ou avec leur téléphone portable en flashant des QR codes. Ben franchement… je me suis réveillée ce matin et je me suis sentie périmée vieille.

Ces gens qui achètent des prix barrés, des taux de réduction, des « payez 5 nuits, les 2 suivantes sont gratuites », ils achètent quoi ? Juste un prix. Et il faudrait qu’ils comprennent que quand ils achètent un prix, ils n’en ont que pour leur argent. Pas davantage.

Je suis la première à ne pas défendre le système traditionnel où le client achète ce qu’une agence de voyages achète à un TO qui achète à un réceptif. Je ne vais pas jouer à chercher qui est fautif (je suis trop grande pour le plan « c’est pas moi qui ai commencé ») mais oui, on commence à dire un peu partout que l’un des maillons de la chaine est de trop, parce qu’il ne sert à rien :

Si l’agence ne fait qu’enregistrer la commande d’un client qui est fidèle à un TO, elle ne mérite même pas ses 12%. Si le TO ne sert qu’à mettre sur catalogue l’addition d’un vol régulier et d’un hôtel, il ne mérite que d’être contourné par l’agence qui achètera son vol d’un côté et l’hôtel de l’autre.

Mais nous, dans les agences, on sert à quoi ? J’ai réfléchi (ça m’arrive : j’ai un demi-neurone en parfait état de marche).

On ne sera jamais aussi performante qu’un moteur de recherche pour répondre à la question « qu’est-ce que vous avez en promo ? » 
Notre grande utilité, c’est le conseil. Encore faut-il pour ça qu’on connaisse nos clients et les produits qu’on pourrait leur vendre. Après, il suffit d’avoir un peu de persuasion pour orienter le bon client vers le bon produit.

C’est en listant les voyages d’étude récemment effectuées par les filles que je m’en suis rendue compte : on n’est plus invitées par les TO mais par les offices de tourisme, les chaines hôtelières et les réceptifs. Tous ces gens là ont tout intérêt à ce qu’on connaisse bien les produits pour qu’on puisse ensuite en parler à nos clients et les convaincre. Et surtout, qu’on sache vendre le bon produit au bon client.

Qui peut vendre le bon produit au bon client ? Sans doute pas une mutuelle ou une banque, encore moins un CE, facebook ou un site de vente plus ou moins privée. Qui alors ? La petite agent de voyages qui connaît ses clients et les produits. Ah ben tiens ! On l’avait peut-être enterrée oubliée un peu vite celle là.

Je reviens cinq minutes sur les programmes de certification des offices de tourisme. Ce truc est magique : avec les filles, on est certifiées par 14 destinations. On ne sait pas tout sur tout. Mais on a reçu de vraies formations théoriques, on est parties en voyages d’étude, on voit régulièrement les commerciaux canons des chaines hôtelières et ceux des compagnies aériennes impliquées dans ces programmes. Après, notre connaissance s’entretient par la vente, les retours clients, les mises à jour des informations par les fournisseurs et diverses lectures. On est des vraies expertes des destinations en question. Et on sait les vendre. Un client qui me demande le Kenya, le Maroc, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, Maurice ou les Bahamas, tu peux être sûr que je vais le saigner faire signer.

J’aimerais que les prestataires fassent un peu confiance aux petites agents de voyages blondes. Je vais te donner un exemple. Moi, j’aime bien la clientèle « Maurice » (l’île, pas le poisson rouge du petit garçon de la pub pour la crème au chocolat) et la clientèle « Seychelles ». Les destinations sont faciles à vendre, elles ne sont pas trop bon marché (c’est à dire que quand tu regardes ce que tu as gagné en conseillant juste un ou deux hôtels, tu te dis que tu n’as pas travaillé pour rien), et plus souvent, les gens en ont pour leur argent et reviennent contents.

Tu es d’accord que cette clientèle elle est plutôt aisée. Du coup, il ne faut pas la perdre… Comme on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, on va la faire venir en lui faisant miroiter un cadeau.

Pour la fidéliser, on a lancé une offre magique sur notre site web dédié au Maroc : chaque client qui est allé à Maurice ou aux Seychelles dans les douze derniers mois reçoit une réduction de 15% sur son voyage au Maroc et un soin dans un spa partenaire (toujours au Maroc).

On explique au client qu’il doit juste nous donner une copie de son e-ticket, de son boarding-pass ou de la facture de son voyage à forfait. Ainsi, on sait où il a acheté son dernier voyage ou s’il est frequent flyer d’une compagnie aérienne (ça alimente le CRM de Big Boss, il adore).

En plus, on fait parler le client de son voyage dans l’Océan Indien (ce qui nous permet de comprendre ses goûts en matière d’hôtellerie) on lui prouve qu’on connaît les destinations en faisant des commentaires de brunes intelligents (on est toutes allées soit aux Seychelles, soit à Maurice donc on sait répondre aux remarques des clients) et si il y a une destination où on est incollables, c’est bien le Maroc !   

En accordant 15% de réduction sur un forfait Maroc, on ne gagne même pas la moitié de notre marge habituelle mais 

1) notre réceptif est content parce qu’il faut bien avouer que plus personne ne va au Maroc la destination a besoin d’être relancée ;

2) les clients se disent que pour avoir une réduction significative, il faut acheter des voyages chers (parce que 15% sur un voyage moisi à 229 €, c'est pas la réduc' du siècle non plus...)

3) on acquiert une nouvelle clientèle blindée à mort aisée (puisqu’elle est partie dans l’océan indien) qui ne connaissait pas l’agence (charge à nous de la fidéliser en mettant en valeur notre expertise, ce qui nous permettra de lui vendre autre chose plein pot) ; 

4) ça permet de fidéliser « notre » clientèle historique qui n’ira pas céder aux sirènes moisies voir ailleurs ; 

5) ça ne dégrade pas notre recette sur les autres desti puisqu’on fait croire qu’on n’est pas à l’origine de l’offre spéciale : on explique que cette offre est faite par nos partenaires au Maroc pour relancer la destination (ce qui est complètement faux : notre réceptif offre juste le soin au spa). Ainsi, les clients ne demandent pas ce type de réduction  quand ils achètent autre chose. (ben non, l’agence n’y est pour rien… vous savez bien qu’on vend toujours au juste prix, c’est pas le genre de la maison de brader ses compétences, on gagne tellement peu dans cette profession, ma pauvre dame, je ne mange même pas à ma faim, voyez combien je suis famélique)  

6) ça fait parler de nous.

Big-Boss a aussi négocié d’autres trucs avec une chaîne hôtelière bien implantée aux Caraïbes mais je ne vais pas te dévoiler pour les secrets de marketing de l’agence.
En attendant, attends-toi à des petites infidélités de la part de tes clients Seychelles et Maurice parce qu’on va tout faire pour te les piquer. Que tu sois une agence de voyages classique ou web, un TO, Groupon ou un CE. Pan ! Dans ta face. 


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