lundi 14 janvier 2013

pas d'émission « en raison d’un appel à la grève d’une certaine catégorie de personnel suite à la modification des tableaux de services entraînant le redéploiement de 4 salariés sur d’autres postes en interne ».


Je me suis habituée aux semaines de 4 jours. On avait négocié avec Big-Boss la fermeture de l’agence les lundis 24 et 31 décembre et les mardis étaient fériés. Et puis la semaine dernière, le rythme infernal a repris : 6 jours par semaine, je sue sang et eau pour concrétiser les demandes qui arrivent à la chaîne à l’agence.

Depuis septembre, quand Coralie est partie en congés mat’ pour la deuxième fois, on n’est plus que 3, Amandine, Sonia et moi à traiter les demandes « tourisme » long-courrier à l’agence (celles qui rapportent…)

Jeff est dans son coin pour gérer ses voyages culturels, Max et Isa traitent les sociétés, la compta et les demandes de courts séjours, et la petite Mélody fait de son mieux pour nous rendre la vie facile : elle répond au téléphone (qu’elle éconduise les fâcheux nous rend bien service…), rédige et met en page les cotations, vérifie les vouchers et assemble les pochettes de voyages. (3 jours par semaine seulement parce que le mardi et le mercredi, elle est à l‘école)

Et Big-Boss pendant ce temps-là ? Il nous couve du regard et est très gentil avec nous. Il va à la poste, à la banque, nous apporte des cafés, tout en continuant à suivre et développer la clientèle. Et il prépare activement l’ouverture de notre deuxième point de vente, comme si on n'avait pas avez de soucis comme ça, prévu en avril mais tenir un deadline, c'est mission impossible pour Big-Boss. (il faut que je vous reparle de ce machin là…)   

Bref, depuis le départ de Coralie, je n'ai plus de vie de femme trime. Je ne sais pas si je vous avais expliqué qu’on a revu les plannings depuis septembre pour réussir à tourner à 3 : 

Globalement, Sonia arrive dès potron-minet (vers 8h, quoi…) pour s’avancer avant que les clients ne débarquent et elle s’en va vers 18h (et elle ne travaille pas le samedi)

Amandine arrive vers midi et ne part pas avant 21h (et ne vient pas le lundi). 

Moi, je suis là tout le temps : je me fais violence le matin pour être à l’agence au plus tard à l’ouverture (à 10h de l’aube), je trime toute la journée, et je passe mes soirées derrière mon ordi pour envoyer les cotations promises. Et tout ça 6 jours par semaine. Pour survivre, je dois me doper à toutes les substances que je peux trouver (sushis presque tous les midis, cocaïne jus de fruits frais et vitamines, 10 cafés par jour, spa et massage tous les dimanches).

Je te raconte ma life comme d'habitude, mais je sais que tu adores ça mais pour avoir l’impression de faire autre chose de ma vie que travailler, le matin, quand je ne dors pas jusqu’à 8h55 comme une grosse feignasse anémiée (mon réveil sonne alors pile à l’heure pour que je puisse écouter les chroniques de Sophia Aram, Stéphane Blakowski ou François Morel), je vais au Club Med Gym ou  je fais de la luminothérapie.

Le soir, juste avant de quitter l‘agence, j’appelle Nico ou mes coloc’ (selon l’endroit où je dors) et mes esclaves amours me préparent à dîner (voire : ils m’ont attendue…). Bref, tous me traitent comme une princesse ! Chacun a bien compris que tout l’hiver, personne ne pouvait compter sur moi.

Je ne me plains même pas (je suis une grosse menteuse) de bosser autant : entre décembre et mars, on fait la moitié du volume « tourisme » de l’année, alors il faut qu’on soit un maximum sur le pont. Cet hiver, pas de vacances, peu de RTT, interdiction de pause-pipi, des journées à rallonge pour tout le monde… mais c’est bientôt fini. Le 4 février, Coralie rentre de congés mat’ et elle va souffrir sa race. Amandine et Sonia vont prendre une petite semaine chacune en février, et puis ça sera mon tour :  

Parce que mon patron est manipulable à souhait et dépendant de moi généreux : je trime comme une dingue 5 mois cet hiver, mais Big-Boss m’a promis pour la fin de l’hiver 5 semaines de vacances gratuites (une sorte de récup) tous frais payés en Asie et une prime de plusieurs milliers d’euros (j’ai déjà eu une prime exceptionnelle de 2000 € en décembre, je la considère comme un petit acompte).

C’est du donnant-donnant (Big-Boss dit « win-win ») : ma collègue est en congés maternité en très haute saison : je donne tout ce que j’ai. Elle revient quand il y a moins de boulot : je prends du temps pour me remettre d’aplomb. Vous direz que faire bosser une agent de voyages (fût-elle cadre et chef d’agence) 65 à 75 heures par semaine pendant 5 mois,  ça n’est pas légal, et vous avez raison.

Mais j’adhère au principe de flexibilité et j'emmerde la CGT. C’est pour ça que je n’ai pas supporté de ne pas pouvoir écouter les programmes normaux de France Inter la semaine dernière « en raison d’un appel à la grève d’une certaine catégorie de personnel suite à la modification des tableaux de services entraînant le redéploiement de 4 salariés sur d’autres postes en interne ».

Voilà. La semaine dernière, je n’ai pas eu ni Pat. Cohen, ni Pascale Clark, ni les chroniqueurs rigolos le matin dans les oreilles et j’étais de mauvaise humeur. En plus, le programmateur musical de France Inter les jours de grève est une espèce de fou drogué maléfique et sadique. On n’a eu que de la musique de grands malades. Honte à toi, Didier Varrod si c’est toi qui as fomenté le mouvement de grève pour nous moisir les oreilles de tes goûts musicaux honteux. (OK, je n’étais pas obligée d’écouter mais je suis fidèle à France Inter quoi qu’il arrive)

Que les gens se mettent en grève pour des détails de modif’ de plannings et bloquent l’accès aux programmes de la radio, ça me rend hargneuse. Mais je reconnais cependant qu’on demande trop aux salariés. Je dois avouer un truc : je suis inquiète pour l’avenir du secteur (du voyage, hein... pas de la radio publique...)

Si mon agence est ouverte de 10h à 20h (et qu’on répond au téléphone pour les sociétés dès 9h) plus le samedi après-midi, c’est parce que c’est à ce moment-là qu’on a des clients : ils nous demandent presque d’être disponibles 365 jours par an et 24h/24. Sans cesse, nous avons cette épée de Damoclès sur la tête : les sites web, ils ne sont jamais malades, en formation, en congés maternité, en vacances, à pianoter sur Facebook ou en pause-déjeuner.  

Les agences de voyages ont perdu les voyages « faciles à composer et réserver » que les clients comparent et achètent tout-seuls sur le web discrètement depuis leur bureau en open-space ou à minuit, au lit, sur leur i-pad. Il nous reste le sur-mesure tortueux et les vacances des clients qui préfèrent appeler leur agent de voyages préféré parce qu’ils n’ont pas le temps de tout comparer.

J’entends chaque jour mes clients dire « proposez-moi  quelque chose de vraiment bien ; je vous fais confiance, mon petit ». Le jour où les moteurs seront aussi intelligents que nous et qu’ils donneront une information fiable, il nous restera quoi ? Pas grand-chose. Mais on sera moins fatigués par l’enchaînement des journées à rallonge. Et on pourra à nouveau écouter les programmes de France Inter puisque la grève a cessé samedi soir. C’est déjà ça.  


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