lundi 20 mai 2013

Ton agence a le cul entre deux chaises ?

Je ne sais pas si je vous ai manqué pendant ces 6 semaines où j’ai peigné la girafe coulé des jours heureux en Thaïlande, au Cambodge et au Vietnam, mais moi, je dois avouer que je n’ai pas du tout pensé à vous. J’ai réussi à  me mettre la tête à l'envers grâce au mojito complètement déconnecter...  
Quand je suis rentrée et que j’ai demandé aux copines ce qui s’était passé pendant tout ce temps, on m’a raconté seulement deux trucs : 

1) Que les bourgeois malfaisants homophobes de Versailles envahissaient les rues et utilisaient leurs enfants comme boucliers humains, entraînés par une espèce de vieille drag-queen ratée et en manque de notoriété reconvertie en parangon de vertu, pour empêcher nos amis gays de se marier. 

2) Qu’une bimbo décérébrée faisait rire la France entière en déclamant (même pas en alexandrins) « t’es une fille et t’as pas de shampooing ? Non mais allô quoi ! ». 

A croire que je vous quitte six semaines et que vous en profitez pour prendre des drogues dures ne faire que des bêtises. 

Bon… je suis rassurée : depuis mon retour, le texte qui ouvre enfin le mariage aux couples de même sexe a été voté (et j’ai dans la foulée ouvert une liste de mariage pour deux petits barbus charmants qui partiront en Afrique du sud en décembre) et Nabila est retournée depuis d’où elle venait : les oubliettes de l’anonymat. 

Quand j’ai creusé un peu (pas possible que l’actualité ne se résume qu’à ces deux créatures moisies), on m’a expliqué que si, quand même, au-delà de Frigide et Nabilia, quand même… la profession était en train d’évoluer. 

Une petite remise en question en douceur, pas la révolution quand même. 

Là, je me suis laissée aller à imaginer 
1) qu’on avait trouvé un moyen de faire entrer les clients dans les agences
2) que les hôteliers avaient gagné leur bataille contre les centrales de réservation et les comparateurs, ou que 
3) les compagnies aériennes avaient décidé d’accorder à nouveau des commissions à leurs fidèles distributeurs (qui ont le bon goût de vendre des billets à des yields corrects, plus chers que ce qu’écoulent les moteurs de recherche sur le web)

Que nenni ! Les évolutions notables qu’on a observées, c’est que le tour operating à la française est en train de mourir ou de se renouveler. Je m’explique. 

Le truc nouveau, c’est que les TO ne jurent plus que par le mainstream. C’est un mot très laid que je n’arrive pas à traduire par autre chose que « le tout venant ». Bref, les vacances de beau-f' ce qui marche pour la masse. 

Il semble qu’on a enfin compris que les TO n’étaient capables que de produire des machins à gros volume avec des charters, des hôtels normés, des circuits avec des départs garantis. 

Michel Rességuier, le sémillant et rigolo comme tout boss de Thomas Cook qualifie la production à la carte de « foyer de perte » (qu’en terme élégants ces choses-là sont dites) et se recentre sur ces clubs et ses circuits. Point. 

Kuoni France, qui vient d’être vendu par son actionnaire suisse à son management français (saluons la prise de risque de Foiry et consorts) a besoin de retrouver la rentabilité ? Le « nouveau Kuoni » se concentre sur les circuits à départ garanti et abandonnerait (selon la rumeur publique) dès la saison prochaine 80% de son offre « séjours ».

FRAM qui a deux-trois petits soucis (oh, deux fois rien…) baisse ses engagements charter. Et Patrice Caradec du Groupe Transat / Look veut désormais « acheter ce que [le groupe] vend et non pas [vendre ce que le groupe achète] ». 

Bref, moins de risques, une production resserré un peu passe-partout, ça devrait nous promettre un été sans stocks démesurés à écouler, sans trop de choix et surtout sans promo. Cet été, les voyageurs devraient donc acheter ce qu’on leur propose et au juste prix. 

Perso, ça me ferait bien du plaisir de pouvoir répondre « rien » à ceux qui nous demanderont en juillet/août « vous avez quoi en pas cher pour partir le week-end prochain ». Mais bon… même si mes vacances m’ont vraiment rendue optimiste, je dois rester lucide… 

Si les TO se recentrent sur le mainstream, les voyageurs qui voudront des jolies choses, des programmes cousus-mains ne trouveront plus leur bonheur dans les brochures. Leur solution sera alors de passer par des boites qui proposent des voyages sur mesure, conseillés par des conseillers experts qui savent de quoi ils parlent. 

Les quelques TO qui font du sur mesure ne sont pas dans la meilleure forme : 
Parce que je ne veux pas avoir l’air d’enfoncer une porte ouverte, mais les quelques TO qui savent faire ça (coudre de la dentelle) ne sont pas dans la meilleure forme : STI s’effrite chaque jour et Autrement Voyages (qui est quand même un copié-collé) a fini par tirer le rideau. 

Les agences qui travaillaient avec Autrement ou STI et qui payent les TO en direct (sans passer par les centrales de paiement de réseaux) ont quand même une probabilité assez forte de se retrouver sur la paille plantées (et je rappelle au passage que l’APST ne garantit que les clients directs et pas les agences…). 

Pour le sur mesure, rien de mieux pour les agences que de tout faire soi-même, en direct avec les compagnies aériennes, les hôtels et les réceptifs. 

Partout, on ne parle que de Voyageurs du Monde, et de leurs copies plus jeunes comme Maison de la Chine/de l’Inde/de l’AfriqueVoyage SpiritPlanetVeo, et j’en passe (et des bien meilleurs).

Que la première agence qui n’a pas perdu un dossier face à Voyageurs du Monde, Maisons, Voyage Spirit ou PlanetVeo (visibilité monstre, conseil pointu, accessibilité 24/24 ou presque, tarifs serrés) me jette la première pierre. 

Ces opérateurs sur-mesure réussissent à bien communiquer auprès d’une clientèle ciblée, peuvent être contactées par mail/téléphone ou en agence, ont une offre de voyage à la carte flexible et un système de commercialisation méthodique et efficace, drivé à coup CRM automatique. 

Leurs coûts principaux : de la communication et du staff efficace à la vente (salaire de base ridicule, commissions sur les ventes généreuses pour les meilleurs). 

Leurs sources d’économie : pas de commissionnement à un réseau de distribution sans valeur ajoutée, pas de commerciaux B2B (qui passent leur temps dans leurs voitures, à attendre dans les agences, à gérer de l’après-vente ou à faire du reporting… alors il ne reste guère de temps pour vendre), un management léger, du personnel déjà formé donc efficace dès le premier jour. 

Donc, si on résume, d’un côté, les TO industriels débarrassés de leurs effectifs superfétatoires et des produits qu’ils ne vendent pas vont pouvoir se concentrer sur leur pricing et vendre ce que les clients mainstream attendent au juste prix. 

De l’autre côté des vrais agents de voyages qui construisent des forfaits sur-mesure pour une clientèle exigeante prête à payer le juste prix.

C’est un peu comme ça chez Big-Boss Voyages, où (révolution !), nous ouvrons la semaine prochaine notre deuxième point de vente. 

D’un côté, dans la nouvelle boutique sympa et techno, Sonia, Isa et Max vont faire de la billetterie et vendre des packages mainstream, épaulés par Elisabeth, notre nouvelle collègue. 

Sourire, bonne humeur, efficacité, disponibilité, newsletters avec des couleurs flashy, des prix barrés et autres trucs marketing un peu vulgaires. Tu vois Zahia ? Ben pareil. 

En face, Amandine, Coralie, Jeff, Medoly et moi qui recevons une « belle clientèle » dans notre agence historique. Elle a été rénovée avec un espace « accueil » (Melody et un vendeur) pour la réception et 4 espaces semi-fermés où nous avons le temps de recevoir (sur rendez-vous) nos clients et d’étudier les projets de voyages en toute intimité. 

Personnalisation, distinction, disponibilité totale, communication chic et épurée sans prix. Tu vois Nabila ou Frigide ? Ben… le contraire. 

Si vous vous ne souvenez pas comment l’idée est venue à Big-Boss d’ouvrir ce deuxième point de vente et de mieux segmenter la clientèle, relisez mon billet de juillet dernier :  

Voilà. Ça faisait presque un an qu’on y réfléchissait et c’est parti ! 

Si ton agence a toujours le cul entre deux chaises et qu’elle n’a pas choisi son positionnement, je sens mal son avenir. Si on ne s’adapte pas, on meurt. Les TO ont pris les bonnes décisions. Il est temps que dans les agences, on se décide à faire quelque chose.





jeudi 2 mai 2013

Tu travailles encore avec des TO ? non mais allô, quoi :


Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais comme d’habitude chaque année à cette période, dans les agences, c’est très calme carrément désert. 

Et ce qui me désole, c’est que les agents de voyages sont résignés. Je vous entends déjà dire que quand on gagne 1200 € nets, que l’on subit la concurrence de la vente directe, que… stoooop ! Ne nous cherchons pas d’excuse.

Ils sont où les clients ? Les agences sont vides et pourtant, à chaque fois que je prends un TGV ou un avion, il est plein, on lit sans arrêt que  les compagnies aériennes augmentent leurs capacités et on sait bien que trouver une chambre d’hôtel en dernière minute est carrément mission impossible.  

Tous ces gens-là qui remplissent trains, avions et hôtels ont acheté leurs vacances quelque part. Où ? Bien souvent, ils les ont achetées directement chez nos prestataires via internet ou via des agrégateurs de contenu ou des canaux de distribution qui n’existaient pas il y a dix ans.

Quelques exemples : 
- les sites d’opinions de consommateurs. Je n’en citerai qu’un : tripadvisor. Si tu ne connais pas tripadvisor, demande à tes clients. Eux, ils connaissent. Sur le site de tripadvisor, le client cherche « hôtel à New-York », regarde quels sont les hôtels préférés des voyageurs (ceux qui laissent une contribution sur le site), choisit celui qui entre dans son budget et respecte ses goûts, et hop, en un clic, il se retrouve sur booking, hotels.com ou expedia… qui achètent des liens depuis tripadvisor. Ton TO préféré et ta petite agence n’ont pas de lien... ils ne profitent pas de tripadvisor pour choper des clients acquérir des parts de marché.


- les sites de ventes "événementielles" : je ne sais pas si comme 12 millions de fashionistas gens en France, tu es abonné(e) à la newsletter quotidienne rose bonbon dégueu de Cécile de Rostand mais désormais, les ventes plus ou moins privées de voyages envahissent l’espace sur vente-privee. Trouver nos marques de culottes fringues préférées au milieu des offres de voyages ressemble au parcours du combattant.

A l’heure où j’écris cet article (un samedi après-midi pluvieux où l’agence est déserte), il y a 14 ventes de voyages en ligne et pas des moindres : Fram, Asia, Thalasso n°1 etc… et une seule vente privée de culottes (et c’est Simone Pérèle, autant dire que je vais aller chercher mon bonheur ailleurs…) vente-privee.com  pèse 1 milliard de chiffre d’affaires et si les ventes de voyages ne marchaient pas, elles ne prendraient pas tant de place.     

- les plates-formes de réceptifs : un truc qui va sans doute disparaître aussi vite qu’il est apparu. Le candidat au voyage choisit une destination, un « agent local » (un forfaitiste payé 200 dollars par mois et qui s’exprime dans un français approximatif) et lui pose 36 questions débiles. Le réceptif trouve ainsi un bon agent marketing en France (Evanéos, le plus connu a une sélection de photos et de produits magnifique) mais perd un temps fou : selon l’un de « mes » réceptifs, le taux de concrétisation via ces plates-formes serait de l’ordre de 2%. Du coup, les réceptifs n’y restent pas bien longtemps. Ils sont remplacés par d’autres mais il n’y en aura pas assez pour les dix prochaines années. Le stock  de pigeons prêts à payer pour cette visibilité hasardeuse n’est pas inépuisable…    

- les communautés de voyageurs : encore un truc nouveau, un concept qui est en train de se développer. Si vous n’avez pas encore entendu parler de Group and Go ou de Travel Social Club, préparez-vous : ces gens sont en train de ré-inventer le GIR mais en regroupant les clients par affinité pour faire en sorte que la mayonnaise prenne. Pas sot…

Il faut aussi que je te parle de l’augmentation du C2C : 

- échanges d’appartements ou de maisons entre particuliers, 

- location de chambre ou d’appartement pour une courte durée (airbnb a maintenant une équipe commerciale en France pour recruter de nouveaux propriétaires),

- couchsurfing (tu squattes le canapé d’un inconnu qui, outre le fait qu’il t’offre le gite et parfois le couvert, te baise si affinités et te fait rencontrer des gens et visiter sa ville) etc…

Tout cela n’augure rien de bon pour notre avenir

Je pourrais trouver des exemples à l’infini. Même si la plupart de ces concepts émergent sur le web, ils ne tarderont pas à envahir d’autres média. Les télés, radios et journaux en parlent sans arrêt et à chaque fois, les agences et TO passent pour des ringards.

Mais ce qui me choque le plus, c’est la récente étude du SETO. Publiée par TourMaG le 22 mars, elle n’a été lue que par 881 personnes. Je m’en vais ici lui donner un peu plus de visibilité. Cliquez ici  et faites attention aux chiffres :

On apprend dans cette étude que les TO réalisent plus de 50% de leur distribution en direct. « en direct », ça veut dire via leurs centres d’appels, leurs boutiques intégrées, leurs sites web, via des apporteurs d’affaires non immatriculés (CE, mutuelles etc…).

Certes, il y a au SETO des gens comme VdM qui ne revendent pas du tout aux agences mais quand même ! 50% ? ça veut dire que moins de la moitié est distribuée par les agences ! Et sur cette petite moitié, combien par des soldeurs de vacances dégriffées de dernière minute sur le web ? ça me laisse rêveuse.

Ami agent de voyages, ton volume d’affaires ne représente même pas  la moitié du business des TO. Ça veut dire que les TO ne te considèrent pas comme un débouché sérieux. Et pendant que tu flippes ta race en lisant cette information, rends-toi compte que ta tête de réseau s’évertue à essayer de grappiller un point de commission supplémentaire aux TO (et sans rien lui promettre en échange).

Pendant ce temps-là, les TO renégocient leurs contrats avec les mutuelles  et montent des opérations avec groupon ou vente-privee…  Si tu te dis que le métier n’a plus d’avenir et qu’il te reste un peu d’argent, achète-toi une petite pelle pour creuser ta tombe.

Si tu ne veux pas mourir, fais comme ceux qui s’en sortent : change ton modèle économique. Travailler avec les TO et vendre la même chose que tout le monde, ça n’a aucun sens. Chez Big-Boss voyages, on n’a plus de brochure et on ne met plus de marque de TO en avant depuis 4 ans. Et on va très bien… spécialise-toi, trouve des niches, communique auprès de ta clientèle, surprends-la ! Bref, bouge-toi !

Les TO assument de travailler sans toi. Assume de travailler sans eux. Tu crois qu’internet est ton ennemi ? Approprie-toi ses méthodes.

Expedia te propose ses vols, ses hôtels, ses transferts et même ses excursions et activités. Tu n’as qu’à te servir dans leur base (ils te donnent 10% de commission).

Crée un petit site web qui proposera des voyages sympa et originaux à tes clients. Et propose TES voyages. Si tu lui annonces « promo avec le TO X », l’internaute l’achètera sur le site du TO. Si tu parles du « bon plan et des conseils de Léa », il demandera à Léa…
Tu as l’habitude de vendre un petit hôtel sympa à tes clients ? Demande-lui de te faire 40% de réduction en basse saison et colle-le sur Groupon. Tu gagneras des queues de cerises sur les ventes mais tu vas ainsi acquérir plein d’adresses de clients à qui tu pourras vendre autre chose.

Je te laisse une semaine pour réfléchir et d'ici 10 / 15 jours, je te raconterai comment on a fait chez Big-Boss pour travailler « autrement ».

Mais s’il te plait, fais-moi plaisir : bouge-toi parce que si tu ne fais rien, tu vas mourir et tu seras tellement sclérosé(e) qu’au moment de creuser ta tombe, tu n’auras plus la force de manipuler ta pelle. Et ça me ferait de la peine.